Bien qu’il ne soit pas natif de la région pyrénéenne, l’épopée de Louis Lerousseau m’intéresse car cet homme a vécu deux émigrations, une de son village de Haute-Vienne à Paris et la seconde de Paris à Mendoza en Argentine.
Ce qui est surtout remarquable c’est la ténacité avec laquelle son arrière-petit-neveu Dominique Cartier, veut retrouver sa trace. « Le seul arrière grand-oncle dont je n’ai pas trouvé le décès ». Il a consulté tout ce qui est consultable : état civil, registres militaires, recensement de population, listes de passagers de bateaux etc… mais en vain.
Dominique Cartier a même fait le déplacement à Mendoza, mais rien ; le mystère de la fin de vie de Louis Lerousseau reste non résolu. Qu’est-il devenu en Argentine ? A-t-il fondé une famille ? Est-il revenu en France ?
De la Haute Vienne vers Paris
Louis Lerousseau est né le 16 juin 1862 à la Roche dans la commune d’Eymoutiers, il est le sixième enfant de Pierre Lerousseau et de Catherine Cardeur. Ce sont des propriétaires aisés puisqu’à l’établissement du cadastre napoléonien en 1833, le grand-père paternel Louis Lerousseau, scieur de long, possède 60 hectares autour du village de Villemonteix ; quant au grand-père maternel Georges Cardeur, il fut maire du village de l’Eglise-aux-bois, ce qui ne l’empêcha pas d’oublier de déclarer une fille et un petit-fils.
Dans son enfance, Louis Lerousseau fréquentera l’école de La Roche. Cette école a été créée en 1871 par Jean Polony, un instituteur landais. En 1872, l’école accueille 42 élèves dont 10 gratuits ; en 1874, ils sont 54 dont 15 gratuits ; la municipalité alloue à l’instituteur une subvention annuelle de 120 francs. Louis Lerousseau saura lire et écrire.
Les frères et sœurs aînés se marient, dont une sœur qui épouse Léonard Legouteil maçon à Paris. Sur son registre militaire, la profession de Louis Lerousseau est maçon ; avec un beau-frère dans la capitale, la route est toute tracée : Louis partira à Paris.
Première émigration : Paris
En 1877-78, Louis a 15-16 ans et le voilà dans la capitale où il travaille comme garçon de café. Maçon et garçon de café sont les deux professions qui attirent le plus de jeunes à Paris.
La capitale est en perpétuelle transformation, l’Hôtel de Ville, incendié sous la Commune, est à reconstruire et de grands travaux de réorganisation initiés par le préfet Haussmann continuent après la Chute de l’empire : percement de l’Avenue de l’Opéra et des Grands Boulevards.
Pour les jeunes Limousins et autres, être maçon à Paris et pouvoir faire viser son livret d’ouvrier par le maire du village était une fierté et un espoir de devenir riche.
Louis Lerousseau n’était peut-être pas assez robuste, il est « Bon pour le Service Actif. Ajourné pour faiblesse », la profession de garçon de café lui convient mieux. Déjà en 1845, Paris comptait plus de 3000 établissements ; les cafés sont les lieux de rencontre des jeunes provinciaux venus travailler à Paris, et des nombreux touristes attirés grâce à l’arrivée du Chemin de Fer.
Le garçon de café accueille les clients avec son conventionnel tablier blanc et ses souliers vernis. Ce sera la vie de Louis Lerousseau sauf pendant la période correspondant à son service militaire de 1882 à fin 1884 où il est confiné dans son village natal ; son dossier étant revu il est « Bon pour le Service Armé » et rentre en caserne jusqu’en 1887.
En mai 1888, Louis revient à Paris, il habite au 13 rue de Budé ; la rue de Budé est attenante à la rue Saint-Louis-en-L’ile où habitait son beau-frère Léonard Legouteil.
En 1890, Pierre Lerousseau et Catherine Cardeur font une donation anticipée à leurs 7 enfants : Louis l’aîné sera favorisé d’un quart par préciput. Les biens de La Roche sont attribués à Michel et Françoise son frère et sa sœur, moyennant une pension aux parents et une compensation en argent à ses frères et sœurs dont fait partie Louis.
En septembre 1890 pour finaliser les versements, Louis le Parisien écrit au notaire (et pas à sa famille) lui demandant de le représenter auprès de son frère Michel son débiteur et ajoute « s’il demande mon adresse, dis-lui que je ne la savais pas » Il prépare donc son départ vers l’Amérique Latine.
Deuxième émigration : L’Argentine
Il voyage sur le vapeur Paraguay de la compagnie des Chargeurs Réunis parti du Havre le 9 février 1891 qui débarque à Buenos Aires le 8 mars 1891.
Il est immatriculé le 2 mai 1891 au consulat de Buenos Aires (N°48553).
Un espoir ! Le 26 octobre 1894, le Crédit Lyonnais émet un chèque de 800 francs à l’ordre de Louis Lerousseau Buffet de las Estaciones à Mendoza.
Il perçoit les 800 francs par l’Agence consulaire Watinne Bossut de Buenos Aires, puis plus une trace, le vide complet ! Pas de mariage, pas de décès ! RIEN
Dernier Courrier de Dominique Cartier
Je voulais consulter les registres du consulat de Mendoza rapatriés aux archives diplomatiques de Nantes mais on me dit qu’ils sont incommunicables pour cause d’amiante…
J’ai beaucoup avancé sur la connaissance de la vie de mon arrière grand-oncle mais je n’ai pas réussi à résoudre le mystère de sa disparition après 1895.
Rien ne correspond.
Pas de recensement à Paris avant 1926 donc difficile de trouver ses contacts. J’ai quand même trouvé des maçons de la Creuse qui ont résidé rue Budé où il demeurait avant sa migration.
Pas de trace de demande de passeports à Paris ni à Limoges. Il va à Mendoza pour travailler comme cafetier dans un pays dont il ne parle pas à priori la langue alors que Mendoza est plutôt connu pour son vin.
Pas de trace sur le recensement argentin de 1895. Où est-il passé ?
Quel nom chercher ?
Dominique
Une bouteille à la mer !
Toutes les recherches et la plupart des textes sont de Dominique Cartier.