Voici une histoire de vie bien émouvante qui commence par un abandon d’enfant et continue par le destin d’un homme heureux ayant réussi à fonder une famille et à devenir propriétaire de terres à Cuba.
Et voici une de ses filles :
Ines, dite Chiquita, Belón y Chibas, fille de Pierre Belon, trisaïeule de mon correspondant.
A Saint-Boës puis à Orion
Dans la nuit du 16 décembre 1852, Pierre Carrère, un habitant de Saint-Boès en Béarn est réveillé par un bruit insolite.
« Ce matin, vers trois heures, étant couché, il a entendu pleurer un enfant qui paraissait venir de naître, il s’est levé de son lit, il a ouvert la porte et a trouvé un panier attaché avec un morceau de ceinture déchirée rouge à l’extérieur de la ferrure de la porte ; un enfant était dans le panier emmailloté et vêtu de deux chemises et d’un béguin (bonnet), d’une petite coëte (couverture) et d’une camisole bleue garnie en plumes » texte de la déclaration de naissance de Pierre Belon.
C’est un garçon né dans la nuit, prévenu le maire du village, l’enregistre sous le nom de Belon Pierre et le confie à Jeanne Daban, l’épouse de Pierre Carrère « pour le nourrir, le soigner et l’entretenir jusqu’à ce qu’il sera autrement ordonné par les autorités supérieures. ».
Jeanne Daban doit s’occuper du bébé jusqu‘à ce qu’on lui trouve une nourrice ou une place à l’Hospice d’Orthez.
Le 22 décembre 1852, le nouveau-né est confié à un couple d’Orion : Marie Lalanne et son époux Jean Domecq habitant la maison Domecq.
C’est là, l’immense chance de cet enfant, ce couple ayant déjà quatre enfants, le considère comme leur fils et l’envoie même à l’école.
Pierre Belon sera reconnaissant et pour montrer son attachement à ses parents nourriciers, il signera Pierre Belón-Domecq.
L’État français paie une pension aux nourrices pour élever ces enfants ; mais à 15 ans, ils sont considérés « en état de labeur » prêts à gagner leur vie. En général, on les retire à la famille nourricière et dans les villes ils sont placés en apprentissage d’un métier et à la campagne domestique dans une ferme.
Pierre ne sera pas domestique car lorsque l’Inspecteur se présente à la maison Domecq en août 1868, Jean Domecq déclare que Pierre Belon est « sur le point de partir à Montevideo, appelé par son frère nourricier ». Pierre Domecq un fils du couple, né en 1849, a choisi l’émigration ; il est parti « aux Amériques » avant son service militaire.
De 1860 à 1870, des agents d’émigration parcourent le Béarn et toutes les familles ont un fils qui a émigré ; c’est l’avenir, le moyen de ne pas végéter dans cette vie misérable et d’échapper à la guerre qui se prépare.
Pierre Domecq n’est pas à Montevideo mais à Cuba, on l’apprendra par son acte de décès transcrit à la Mairie d’Orion en 1897. Pierre Belon est donc parti rejoindre son frère nourricier à Cuba. Cuba le pays où se font les grandes fortunes, grâce au travail des esclaves mais de cela on ne parlait pas !
La famille nourricière à Orion : les Domecq
Jean Domecq et Marie Lalanne se sont mariés dans le village d’Orion le 30 décembre 1840.
L’époux Jean Julien Domecq, laboureur, âgé de 21 ans, né à Orion, est le fils de Jean Pierre Domecq et de Marguerite Benegui, laboureurs ;
l’épouse Marie Suzanne Lalanne, ménagère, 26 ans, née à Burgaronne, est la fille de Jean Lalanne et de Margueritte Serres, laboureurs. Le père est domicilié à Salies et la mère à Sainte Gladie.
L’époux signe, pas l’épouse « pour ne savoir »,
Le couple aura cinq enfants :
- Catherine en 1841 employée comme femme de chambre en hôtellerie ;
- Jean en 1844 ;
- autre Jean en 1846 qui décède à 4 mois ;
- Pierre en 1849 qui émigre ;
- et Marie en 1858 qui décède à 18 mois.
Le couple ne quittera jamais Orion mais on ne sait pas si Pierre Domecq et Jean Belon sont revenus visiter leur parents à Orion ; ce qui est peu probable !
Marie Lalanne décède la première en 1886 à 70 ans, son époux lui survit quelques années, Jean Domecq s’éteint en 1900 à 81 ans, les deux dans la maison Domecq d’Orion
La vie à Cuba
Pierre Belon a dû partir dans l’année 1868, à 15 ans, il aura 16 ans en décembre.
Comment et avec qui est-il parti ? Je n’ai rien trouvé ; mais il y avait de nombreux liens entre Cuba et la ville de Sauveterre-de-Béarn depuis que le noble Henri de Casamajor avait quitté Saint-Domingue, après la révolte des esclaves, pour s’installer à Cuba dans la région de Santiago.
Pour travailler dans les plantations de café et de canne à sucre il y avait les esclaves mais les « capataces » (contre-maîtres) étaient des Blancs. Un Béarnais fait surtout confiance à un autre Béarnais, Henri de Casamajor a fait venir de nombreux jeunes gens nés entre Oloron, Navarrenx, Orthez et Sauveterre.
Pierre Domecq né en 1849 parti certainement vers 1865-66 a fait partie de ces jeunes hommes puis quelques années après Pierre Belon.
Pierre Domecq
De Pierre Domecq on ne retrouve aucune trace à Cuba sauf son acte de décès transcrit dans les Archives d’Orion où il est né.

Pierre Domecq était installé au Cristo dans la région de Santiago. Les deux Français qui attestent de son décès sont Lageyre Bernard né en 1832 à Artix, famille originaire de Sauveterre-de-Béarn et Louhau Pierre-Victor né en 1841 à Oloron- Sainte-Marie. Ces deux Français ont eu une descendance à Cuba.
Pierre Domecq est décédé célibataire, comme les autres Blancs il devait avoir une relation avec une native du pays, qu’ils n’épousaient pas mais ils reconnaissaient leurs enfants.
Pierre Belon ou Pedro Belón à Cuba
Son descendant Raymond Fuentes a fait de sérieuses recherches généalogiques que l’on peut retrouver sur Geneanet.
« Parece que Pierre ya estaba en Cuba en la decada de 1880. Alli, se caso con una esclava llamada Magdalena Chibas, y tuvieron 4 hijos. Se llamaban Ines (mi tatarabuela), Julia, Emilia, y Pedro.
Pierre era dueño de algunos cafetales en Yateras, un pueblo pequeño entre Guantanamo y Holguin.
Se establecio alli con otros franceses de los Bajos Pirineos. Algunos se llamaban Jean-Baptiste Benegiu (natural de Orion) y Pierre Begue (natural de Athos-Aspis).

Cafetal-San-Fernando-de-Fernand-Pons-Yateras_circa-1893
https://www.ritmacuba.com/D.-Fragments-memoriels-sur-les-planteurs-francais-a-Cuba.html
Les enfants de Pierre Belon et Magdalena Chivas :
Ines Belón Chivas est née le 12 mai 1888, à Yateras, Guantánamo Cuba
Elle a épousé Charles Derivet, un Français originaire de la Haute-Saône, le 18 juin 1910 à Yateras.
Ce couple a eu 9 enfants.
Ines est dédédée en 1978 à 80 ans, toujours à Yateras
Leurs descendants habitent la « finca La Sabaneta » qu’ils ont achetée après le décès de Pierre.
Pedro Belón Chivas né en 1889 est venu étudier dans une Université de Paris.
Il a épousé Edita Bégué dont il a eu 3 enfants puis en secondes noces Ana Maria Marti Hernandez dont il a un fils : Pedro Emilio Belon
Il est devenu maire de Yatecas !
Julia Belón Chivas née vers 1892 a eu trois enfants avec X Portillo
Emilia Belón Chivas née vers 1891, épouse Pierre Bégué français né à Athos Aspis avec qui elle a 5 enfants : César en 1905, Isabel en 1908, Jean en 1910, Josepha en 1913 et une dernière fille mariée à René Jalice .
« Pierre Belón se murio antes de 1930, cuando nacio mi bisabuela, porque ella nunca lo conocio. Despues de su muerto, Pierre le dio a su hijo 60.000 pesos. Las hijas no recibieron dinero pero cada hijo recibio un pedazo de tierra ».
Quelle ascension sociale pour Pierre Belón, le bébé abandonné dans un panier, devenu propriétaire de nombreux hectares de terres, dont le fils est devenu maire de la ville de Yatecas. Seule, l’île de Cuba pouvait offrir cet avenir !
Les possessions de Pierre Belón
El Diamante
La propriété 14,5 chevalées fondée par Maximilien Kolb passa à Maria Coureau, mais elle a été mise sous séquestre par par Banco de Cuba suite aux dettes de cette dernière (entre 1874 et 1879), évaluée à 23 309 pesos.
Á une date antérieure à 1888, elle devint propriété de de Pierre Bellon orthographié Bélon ou Belón, cf Partie 1. Pierre Bellon est né à Saint-Boès, actuel département des Pyrénées-Atlantiques en 1852, il fut abandonné à sa naissance et adopté. Son épouse Magdalena Chibás semble être née esclave, fille naturelle Chibás. La propiété passe ensuite aux descendants Belón Chibás
L’héritage d’El Diamante par Pedrito Bélon Jr a permis à ses sœurs le financement de leur installation dans diverses propriétés rurales, une d’entre elles sous le nom du conjoint Charles Dérivet venu de France (Haute Saône). El Diamante n’existe plus, inclus dans une zone militaire.
Monte Verde
Monte Verde, 14 chevallées, 1325 pesos, a été achetée à Starck par Frederico Lescaille La propriété a considérablement fructifié : Lescaille l’a mis sur son testament pour une surface de 48 chevallées, une valeur de 157 727 pesos et 146 esclaves. (Alonso Coma. 2009). Cela en faisait dans les années 1860 une des propriétés les plus importante de la juridiction de Guantanamo.
A cette époque d’avant la première guerre d’indépendance, le voyageur états-unien Samuel Hasard décrit ainsi Monte Verde : c’est « probablement la meilleure hacienda de cette région, de grande dimension et très bien entretenue. (…) La maison d’habitation est grande et jolie, avec un charmant jardin à l’arrière. Les terrains de caféiers et autres productions végétales sont amples et beaux ».
Ele est le théâtre d’une attaque indépendantiste d’Antonio Macéo en 1871.
Elle fut acquise par Pierre Bellon, déjà propriétaire d’El Diamante (cf ci-dessus), après que la valeur de ses terres ait chuté.
Cette propriété au Nord-Est sur la carte était au contact avec les descendants amérindiens plus au Nord, qui se lièrent aux Espagnols pendant la guerre d’indépendance. Lesquels pour leur part défendaient le proche fort Borbon.
https://www.ritmacuba.com/D.-Fragments-memoriels-sur-les-planteurs-francais-a-Cuba.html
Les familles béarnaises alliées ou amies de la famille Belón
« Los Benegui eran amigos de nuestra familia. Y los Begue tambien »
La famille Bégué de Athos Aspis
« Pierre Begue nacio en 1877 en Athos-Aspis, y era hijo legitimo de primos hermanos Jean Bégué (1842-?) y Marie Josephe Bégué (1845-1894). Jean era hijo de Etienne Bégué dit Cambaire y Catherine Mousqueres. Marie Josephe era hija de Jean Bégué y Louise Faure. Ambos abuelos de Pierre Begue eran hermanos, siendo hijos de Jean Begué y Catherine Gassier.
Pierre Begue se caso con Emilia Belón (hija de Pierre Belón-Domecq) y ellos eran los padrinos de mi bisabuela. »
La famille Bénégui
Les Benegui sont originaires d’Orion et de l’Hôpital d’Orion, deux villages voisins ayant chacun leur autonomie. Orion sur la colline, l’Hôpital d’Orion dans la vallée traversée par le Chemin qui mène les Pèlerins à Saint Jacques de Compostelle.
Les Bénégui ont émigré assez tard, ils ont acquis de belles fortunes mais ils revenaient souvent en France, je crois qu’actuellement il n’y en a plus sur l’île. Laurent Bénégui dont le père était né à Cuba a écrit un roman historique « Retour à Cuba »
Revenons à Orion où Pierre Belon a passé son enfance dans la maison Domecq.
Dans la maison Benegui est née Marguerite Benegiu qui épousera Jean Domecq en 1811 ; Jean, un de ses dix frères se marie en 1810 à l’Hôpital d’Orion avec Marguerite Boucaubieil.
Un de leur fils Jean Benegui né en 1829 (cousin germain de Pierre Domecq) part à 15 ans à Cuba, amasse une petie fortune et à 42 ans en 1871, revient en France pour épouser Catherine Ribetou âgée de 26 ans, ils ont 6 enfants. Catherine décède en mars 1881, en donnant naissance à son dernier enfant qui vivra. En octobre1881, le veuf de 52 ans, épouse Magdeleine Cazenave de 20 ans et le voilà à nouveau père de 12 nouveaux enfants, le dernier en 1901 à 72 ans.
Jean-Baptiste Benegui né en 1875, fils du premier mariage de Jean, épouse Aurélie Capdepon à Burgaronne, ils partent aussitôt s’installer à Cuba où René Benegui leur premier enfant naît en 1824 à Guantánamo.
Deux générations suivantes vivront sur l’île.
Debout Jean-Baptiste Benegui, à l’arrière l’homme aux cheveux blancs pourrait être Pierre Belón
Correspondance
Raymond Puentes vit aux Etats Unis mais une partie de sa famille vit à Cuba avec qui il garde des liens sentimentaux
Tengo una prima vieja que tenia una relacion muy cercana con Ines Belón. Lo que me parece extraño es que ella me dijo que Pierre usaba dos apellidos en Cuba. Su nombre era Pierre Belon Domecq. Yo ya sabia que Pierre era abandonado, pero me pregunto de donde venia este segundo apellido. No aparecio en su registro de nacimiento. Tal vez era ficcion, y solo era un apellido que le sonaba bien, o tal vez un apellido de alguien en Saint-Boes que conocia. »
Lo (les recherches en France) mande a mi mama y se puso muy feliz para aprender mas sobre la familia de su querida abuela 🙂
Muchas gracias, Christiane. Acabo de terminar de leerlo todo y me ha parecido muy interesante. Me ha quedado claro que Pierre consideraba a esta familia como suya y que Jean Domecq y Marie Lalanne lo consideraban su hijo. Me alegra el corazón que pudiera encontrar una familia. Cuando averigüé de que era huérfano, me preocupé de que hubiera tenido una infancia solitaria. Pero me alegro de ver que estaba en buena compañía.Si no es molestia, me gustaría que me envias todos los documentos sobre Pierre y sus padres adoptivos. Me interesaría mucho leer la documentación original. Agradezco enormemente toda la investigación que has hecho por mí. Nunca pensé que sería capaz de descubrir más sobre el pasado de Pierre, así que me alegra mucho que hayas desafiado esta noción con tus hallazgos. Gracias de nuevo.
Avec l’aimable collaboration de Raymond Puentes, descendant ;
Didier Royau et Marc Le Chanony membres de MCLV : https://www.mclvl.fr/;
Et le fantastique site, Ritmacuba, incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à l’émigration béarnaise à Cuba :