Hargain Joseph

Itxassou / Hasparren / Cambo

José Hargain fut un personnage connu en Uruguay comme le fondateur de la ville et du Port de Fray Bentos, Rio Negro en Uruguay.

Dès le début de la recherche, j’ai été surprise par le fait que cet homme, né en 1816 dans une famille de métayers de la région de Cambo, sache signer d’une belle écriture cursive et bien calligraphiée. Avant 1870, peu de Basques de la classe laborieuse savaient signer, seuls les fils de notables écrivaient. Comment Joseph Hargain a-t-il pu apprendre à écrire ? peut-être dans un séminaire pour futur curé !

Ce qui est certain cet homme était intelligent, travailleur et visionnaire.

La vie de Joseph Hargain en France

Joseph est né le 31 octobre 1816, il est déclaré par son père Bertrand Hargain, 27 ans, laboureur, métayer de la maison Uhaldebehere du quartier d’Errobi dans le village de Itxassou, canton d’Espelette ; sa mère est Marie Laxalde.

Le sort des métayers, n’ayant pas de terres, était l’errance de village en village que l’on retrouve avec les lieux de naissance des enfants.

Bertrand Hargain et Marie Laxalde ont été les parents de huit enfants :

  • Jean Hargain naît en 1815 à Larressore ;
  • Joseph Hargain, en 1816 à Itxassou qui émigre ;
  • Jeanne Hargain, en 1818 à Espelette,
  • Marie Hargain, en 1819 à Espelette aussi ;
  • Guillaume Hargain, en 1821 à Hasparren ainsi que les trois derniers ;
  • Marie Hargain, en 1823 ;
  • Pierre Hargain, en 1826 décédé bébé ;
  • Laurent Hargain, en 1827, qui partira rejoindre son frère Joseph en Uruguay.

A partir de 1821, la famille Hargain s’est installée à Hasparren dans la maison Perlatey où Joseph a vécu. En 1852, il se fait appeler Joseph dit Perlatey.

Bertrand Hargain, son père, est décédé en 1878 à 92 ans à Cambo, il était veuf.

En 1844, Joseph Hargain se marie dans le département de la Loire à Sury-le-Comtal entre Lyon et St Etienne, il est employé comme valet de chambre au service de Monsieur Humann ; à 27ans, il épouse Françoise Berthet, 19 ans, femme de chambre auprès de Mme Humann,

Françoise dite Fani Berthet est née en 1826 dans la commune d’Orliénas, Rhône, fille de Claude Berthet et de Marie Jeanne Farler, cultivateurs à Vourler, dans la banlieu de Lyon. Les deux époux signent.

Les Humann de Sury-le-comtal descendent de familles nobles alsaciennes ou allemandes. Jacques-Edmond Humann que servait Joseph Hargain était Chevalier de la légion d’Honneur, fils de Georges Humann ministre des finances sous la Monarchie de juillet.

La maîtresse de Françoise Berthet, Camille Jordan-de-Sury épouse Humann, était la châtelaine du village.

En 1845, Joseph Hargain et sa jeune épouse reviennent au Pays Basque, à Cambo, où naît leur premier enfant Bertrand-Victor le 7 mars ; le père est dit « sans profession » la mère couturière. Bertrand-Victor ne vivra que 4 mois, il décède le 12 juillet 1845.

Dans le Rio de la Plata

En Argentine

Joseph Hargain devient José Hargain et Françoise Berthet Estefania Berthet.

En décembre 1849, Joseph Hargain etson épouse s’embarquent du port de Pasajes en Espagne en direction de Buenos Aires où ils arrivent le 19 janvier 1850.

Le 4 octobre 1852, José se rend au Consulat de Buenos Aires pour demander son immatriculation, il est muni d’une certification de libération attestant qu’il a terminé son service militaire et d’un passeport délivré par le préfet de la Seine ; il a dû travailler à Paris avant d’aller à Sury-le-comtal.

C’est un jeune homme de 1.60 m, les yeux et les cheveux bruns, il se déclare marié et cabaretier de profession.

Le couple ne reste pas longtemps dans la capitale, on les retrouve à Gualeguaychú où naît leur fille Matilde en 1856. José Hargain tient un « almacen de ramos generales » où l’on peut tout trouver : alimentation, quincaillerie, outils… etc et un dépôt où il vend du bois de chauffage qu’il débite lui-même aidé d’un péon.

Gualeguaychú est sur la rive droite du fleuve Uruguay, large comme une mer ; ce fleuve sert de frontière entre l’Argentine et l’Uruguay. Côté uruguayen, il n’y a rien seulement des bois « un desierto »

Un jour qu’il coupait du bois sur la rive gauche, il voit les gros bateaux « d’ultramar » les uns chargés de marchandises, surtout de fruits, qui descendent vers Buenos Aires et les autres avec des passagers qui remontent vers Salto ou Asunción au Paraguay. Tous ces bateaux à vapeur s’arrêtent pour faire le plein de bois nécessaire aux chaudières. Les passagers descendent pendant la pause. José Hargain a une idée lumineuse : il construira un hôtel à cet endroit !

En Uruguay

En 1857, à 40 ans avec son épouse eEstefania Berthet, une fillette de un an et un peon, il quitte l’Argentine, traverse le Rio Uruguay et s’installe dans ce coin désert appelé Fray Bentos du nom d’un moine ermite qui aurait vécu là.

Il construit « un rancho de palo a pique y techo de paja » une habitation rudimentaire auquel il ajoute un magasin de « ramos generales » et un dépôt de bois. Le succès est immédiat, en juillet 1860 Villa Independencia ou Fray Bentos est créé officiellement et José Hargain est reconnu comme fondateur.

José Hargain est devenu un homme d’affaires, rien ne l’arrête, il écrit dans les journaux de Montevideo et de Buenos Aires pour faire connaître Fray Bentos ; ses affaires prospèrent, il bâtit un Hôtel pour accueillir les voyageurs ou les marins « Hotel de la Independencia », il possède une ligne de diligences qui va de Mercedes à Montevideo, transportant les voyageurs mais surtout le courrier.

En 1859, la famille voyage à Paris où naît la petite Maria, voyage d’agrément car José Hargain est riche mais aussi voyage d’affaires pour rencontrer des relations.

En 1862, il se fait immatriculer au Consulat de Montevideo ainsi qu’un fils José, né en 1860 à Fray Bentos. Ses fils moururent jeunes car à son décès il ne restait que Mathilde née à Gualeguaychú et Maria née à Paris. On ne trouve que la descendance de Matilde mariée à Nicolas Bollo né en 1843 à Montevideo

 En 1860, la ville comptait 263 habitants surtout des émigrants venus d’Europe et les biens de notre homme se multipliaient, « Había además otra posada, un rancherío, galpones, dos carnicerías y dos pulperías, una fábrica de ladrillos »

Avec cette main d’oeuvre jeune et active et la création d’un port sur le Rio Uruguay, des Anglais créèrent un « saladero » usine d’abattage et de salaison des viandes de bœuf et qui deviendra une des usines Liebig qui alimentera les armées françaises pendant les deux guerres avec la « célèbre viande de singe » qui était du bœuf uruguayen.

Vers 1866, José Hargain se retire des affaires il confie son hôtel à son frère Laurent né en 1827 à Hasparren ; Laurent avait épousé Catalina Lansemidaa dont le père est né à Gurs en Béarn. Laurent qui a vécu jusqu’à 85 ans, a eu huit enfants et une nombreuse descendance en Uruguay.

José Hargain fut un homme d’affaires mais aussi un bienfaiteur pour Villa Indepencia qui était son œuvre. Il fit construire et reconstruire une église qui fut incendiée, une diligence remplaça la charrette tirée par des bœufs pour se rendre à Mercedes, deux petits bateaux du nom de ses filles Maria et Matilde faisaient du cabotage sur le Rio etc… Pour la sécurité du lieu il obtint une patrouille de 25 hommes dont il payait la moitié de la nourriture et du solde …

José Hargain savait et aimait écrire, après avoir rédigé de nombreux articles pour les journaux, de nombreuses lettres à la justice, car José Hargain était procédurier mais il ne manquait pas d’ennemis, il écrivit ses mémoires dont je tire les renseignements.

Place à la vérité.

Histoire de la famille de José Hargain, premier fondateur de la Villa Independencia à Fray Bentos, ruiné par les injustices de cette Republica Oriental del Uruguay ; et j’espère que Son Excellence Monsieur le Président de cette République me rendra justice après avoir pris connaissance de l’histoire écrite par moi-même José Hargain, racontant comment je suis venu dans ce désert avec ma famille et tout ce que j’ai fait pour la prospérité de cette localité. Buenos Aires. 1882.

Comme récompense de toutes ses actions, en 1876 il reçut un coup de couteau d’un péon qu’il avait recueilli, tout jeune, dans sa maison. Jamais il ne put guérir de cette terrible blessure et dut rester alité jusqu’à sa mort.

Il mourut, pauvre, ruiné, à 68 ans en 1884.

Estefania Berthet son épouse lui survécut quatre ans

Mathilde épousa Nicolas Bollo de Montevideo et eut une descendance

Maria ou Celestina ? est une autre fille

Il signe toujours en français : Joseph Hargain.

La localité de Fray Bentos a nommé une place « Plaza José Hargain » et a érigé une statue de José Hargain, son fondateur.

Cette recherche a été faite à la demande de Santiago Delgado Fabre, professeur d’histoire de la Universidad de la Republica de Montevideo.

Sources :

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