« Paroles de bergers du Pays Basque au Far West »

Je veux ici parler d’un livre qui m’a touchée car il traite de deux sujets qui me passionnent : la généalogie et l’émigration.

Gaby Etchebarne, une dame âgée, a laissé parler son cœur dans cet ouvrage.

Petite-fille d’un émigré des Aldudes parti aux Amériques puis revenu au village natal, Gaby a toujours eu envie de témoigner. « Dans mon village natal, aux Aldudes, j’ai toujours vu des compatriotes partir au loin vers cette Amérique d’où l’on rentrait chargé d’or ; c’est du moins ce que nous imaginions à l’époque. »

Gaby a accompli son rêve : témoigner de cette vie d’émigré pour cela elle est allée interroger ceux qui sont revenus mais qui se souviennent aussi de ceux qui y sont morts et de ceux qui se sont établis en Californie. « Vingt-deux récits d’hommes et de femmes qui racontent leurs souvenirs, qui disent l’exil des pères ou des maris, leurs espoirs, leurs solitudes. »

Le livre commence par l’histoire d’ Erramun Etchebarne, son père, qui devient berger à onze ans car les aînés sont au front. Berger ce n’est pas seulement garder un troupeau mais c’est vivre seul dans la montagne, seul avec son chien et son troupeau. « Le père passe la première nuit avec son fils. Le lendemain au lever du jour, il embrasse Erramun. Ils sont tristes tous les deux. Mais c’est la vie. Erramun sèche ses larmes et il se met au travail ». Il ne reverra personne avant la semaine suivante.

Mais la vie de berger est encore bien plus dure en Californie, dans le Nevada ou l’Utah. Le père Adrien raconte : « Je me souviens avoir rencontré là-bas un garçon de la parenté de ma mère. Il m’a simplement serré la main mais il ne m’a pas dit un mot… Rien d’étonnant il vivait seul depuis cinquante ans ».

La solitude fut la grande ennemie dans ces étendues sans fin mais aussi la dureté du climat : froid et sécheresse, les mauvaises conditions d’hébergement et de nourriture. « Il raconte sa vie dans les montagnes et le désert du Nevada, la neige et le froid, la tente dévastée par un ours, le hurlement des coyotes… Leur demeure était un simple sac de couchage en toile. Le matin ils secouaient leur literie pour se dégager de la neige. » La génération suivante bénéficia de tentes et de roulottes. « La roulotte : l’hôtel trois étoiles du berger. »

Certains patrons moutonniers, des Basques aussi, étaient très durs presque inhumains avec les jeunes bergers qu’ils faisaient venir. Envoyer un jeune de quinze ans, seul avec son cheval, vers les pâturages du sud qui sont à plusieurs dizaines de kilomètres en disant : la bête connait la route. « Quinze jours après le patron arrive avec le ravitaillement. Le gosse n’est jamais arrivé… Ils partent à sa recherche et le trouvent noyé dans le lac dégelé » Cet autre qui trouvant une brebis morte la donne en nourriture à son berger par esprit d’économie. Le berger meurt empoisonné. « Pour les patrons, le berger n’était qu’un esclave

Pour ces jeunes émigrants partis chercher fortune tout est difficile et en particulier le voyage. « Dans la cale d’un bateau italien, ils souffrent de la faim, des cafards, des rats et des poux. Ils débarquent à New York… On les pousse comme un troupeau de brebis dans les wagons d’un train qui va traverser les Etats Unis d’Est en Ouest Le voyage dure huit jours. » Les émigrants partis avant 1900 traversaient dans des chariots bâchés tirés par des chevaux et le voyage durait un mois. (récit d’une descendante de Catherine Chaldu d’Issor).

Parmi les milliers de Basques partis aux Etats Unis quelques-uns ont décidé d’y rester… Ils sont commerçants, hôteliers, restaurateurs, artisans, agriculteurs ou éleveurs. Certains se sont mariés à des Américaines, d’autres à des Mexicaines, quelques uns à des Indiennes. Ceux-là, sont les émigrants qui ont bien réussi économiquement mais pour les jeunes gens partis après 1920, le rêve était le retour au pays natal après avoir amassé un petit magot pour acheter une propriété et se marier. « Il ne fallait pas que je sois trop vieux pour trouver une jolie fille. »

Pierrot E… est rentré aux Aldudes en 1954. « Quand j’ai quitté New York après six ans au Wyoming, un grand bonheur m’envahit à l’idée que je retrouverai celle qui m’avait si longtemps attendu. En arrivant aux Aldudes, je suis allée voir mes parents mais il me tardait de revoir Mayie. Mon père, devinant mon attente secrète, a souri malicieusement, le doigt pointé vers la colline « Va ! va ne tarde pas ; là-haut, celle que tu attends ramasse les fougères ! » Je n’avais jamais contemplé de colline aussi belle. C’est là, dans l’or des fougères et dans la douceur de l’automne que j’ai retrouvé ma bien-aimée, celle que j’avais quittée sept ans auparavant. Le temps s’est arrêté sur cette colline et ce fut l’éternité. »

Ce livre est beau par le texte : véracité des faits, pudeur de ces hommes quand ils parlent de leur souffrance mais exaltation pour leurs espoirs ; mais aussi par les photos de ces hommes et femmes le tout dans une belle présentation des Editions Elkar.

Une réflexion sur « « Paroles de bergers du Pays Basque au Far West » »

  1. Marie

    J’ai lu ce livre et d’autres de Gaby Etchebarne, « Paroles d’amatxi » notamment.
    Je ne les ai pas achetés mais trouvé à la bibliothèque Mériadeck de Bordeaux qui possède un fonds intéressant de littérature basque. Ces témoignages sont très émouvants…
    Sur le même sujet, je recommande aussi « Mon père était berger » de Robert Laxalt, un best-seller aux Etats-Unis paru en 1957. Il a été réédité en français en 2009 aux Editions Auberon.

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