Paillé Augustin et Marie / Placé Jean

Lucq de Béarn / Monein

Augustin Paillé

Voici l’histoire de trois jeunes Béarnais nés à Lucq de Béarn mais dont les familles sont originaires de Monein. Monein situé au cœur du Béarn, région de terres fertiles et de coteaux sur lesquels mûrissent les raisins donnant le fameux vin de Jurançon. La légende raconte que le roi Henri IV, Nouste Henric en béarnais, fut baptisé au vin de Jurançon plus vivifiant que l’eau bénite.

A Monein, le 31 août 1857, a lieu le mariage de Jean Placé, né le 14 décembre 1829 à Lucq de Béarn, domicilié à Monein, soldat en congé temporaire du 17 ème régiment d’Artillerie, fils de Vincent Placé décédé en 1855 et de Marie Balance avec Marie Paillé née en 1832 à Lucq de Béarn, fille de Jean Paillé et de Jeanne Cazalet.

Les familles Placé et Paillé sont deux familles de laboureurs métayers, domiciliés à Monein ou à Lucq de Béarn, localités voisines, selon les propriétés qu’ils exploitent.

Juan Placé et son épouse Marie Paillé

La famille Placé : En 1815, à la mairie de Lucq, Vincent Placé, 43 ans, a épousé Marie Balance, 22 ans. Le couple aura neuf enfants à Lucq, dont deux décèdent en bas âge. Vincent Placé décède à Monein en 1855 à l’âge de 85 ans, son épouse Marie Balance vit jusqu’en 1873 et meurt à Lucq à 80 ans.

Sur son passeport et lors de son immatriculation, Jean Placé donne une date de naissance précise mais on ne trouve pas l’acte dans les registres du greffe.

La famille Paillé. A Monein, le 4 avril 1828, est célébré le mariage de Jean Paillé, laboureur de 32 ans, né à Monein, fils de Jean Paillé et de Jeanne Loustau avec Jeanne Cazalet, 29 ans, fille de François Cazalet et Marie Puyou dit Loubré. Les deux jeunes gens sont originaires du même quartier Casteig de Monein mais ils s’installeront dans le village voisin de Lucq de Béarn, métayers chez Poey ; c’est là que naîtront dix enfants dont Marie en 1832 et Augustin en 1834.

Puis la famille reviendra à Monein où Jean décédera en 1863 à 67 ans et Jeanne Cazalet, la mère, en 1871 à 65 ans.

« Augustin Paillé et sa sœur Marie seraient les seuls d’une fratrie de 10 enfants, dont la maison historique était sise à Lucq de Béarn, à être partis tenter l’aventure de l’Argentine. Il y aurait toujours au moins un Placé habitant à Lucq à l’heure actuelle ».

Le départ en Argentine

Sur les registres d’immatriculations du consulat de Buenos Aires en 1877, on retrouve Jean Placé et son fils Augustin. Le couple Jean Placé et Marie Paillé, mariés en 1857, sont partis de Bordeaux le 4 avril 1858, sur le navire Cornélie en direction de Buenos Aires.

D’après l’histoire familiale, un frère de Marie, Augustin Paillé, né en 1834, aurait émigré avec eux.

Ce sont les descendants béarnais d’Augustin Paillé qui s’intéressent à l’histoire de l’émigration en Argentine de leur arrière-grand-père.

La vie en Argentine

Le couple Jean Placé et Marie Paillé se sont installés à Monasterio au sud de Chascomus dans la Provincia de Buenos Aires à une centaine de kilomètres de la capitale, au bord de la lagune.

Juan Placé et Maria Paillé ont eu plusieurs enfants à Chascomus :

  • Agustin en 1859 que son père enregistre au Consulat en 1877 en même temps que lui
  • Justina en 1861, épouse Jean Crouzat et a 3 enfants
  • Eugenio en 1863
  • Paulino en 1865
  • Francisca en 1866 qui épouse Alexis Placé et dont elle a 5 enfants
  • Maria Justina en 1869 épouse Juan Dauna et a 6 enfants
  • et Maria Carolina en 1872.

En 1873, c’est le drame, Maria, la mère, décède à 38 ans laissant sept orphelins.

Je n’ai pas trouvé de remariage de Jean Placé ni son décès.

« Les Placé ont eux fait souche en Argentine. 

Ma sœur Isabelle a été en contact avec des descendants (nombreux) dont certains ont fait un pèlerinage nostalgique à Monein et à Lucq et peut préciser certains aspects. »

Le couple Placé et Augustin Paillé vivaient à proximité les uns de l’autre puisqu’en 1869 ils sont recensés sur la même page. Le couple Placé a six enfants mais Agustin Paillé, 33 ans, est encore célibataire.

Tous deux possèdent une estancia Jean Placé et Marie Paillé sont propriétaires de « la Tablilla » et Augustin Paillé de « El Saüce »

Je laisse à Dominique Pourtoy le plaisir de raconter l’aventure de son arrière-grand-père Augustin Paillé et du couple Marie Paillé et Jean Placé, sœur et beau-frère d’Augustin.

« Ce qui m’intéresse c’est d’avoir, si tant est que vous en possédiez, des détails sur les dates et conditions de départ des deux cousins, partis avec rien de Lucq-de-Béarn, mais arrivés à la tête de milliers d’hectares et peut-être autant de têtes de bétail au bout de leur aventure ».

Même si nous n’avons pas fait souche en Argentine, cette histoire singulière a laissé une empreinte forte dans l’histoire familiale, avec une vision peut-être parfois, si ce n’est heroïsée, du moins idéalisée. La réalité était peut-être un peu différente ».

Le retour en France

Augustin Paillé est rentré en France vers 1880, il avait 46 ans ; il épouse Jeanne Marie Geneviève Lahitte née en 1852 à Monein. Deux enfants naissent à Pau :François Auguste en 1883 et Jean Pierre Henri en 1885. Augustin est rentier.

Geneviève Lahitte – épouse de Augustin Paillé

Auguste décédera en 1914, tué à Toul, pendant la première guerre mondiale ; il était marié et avait déjà deux enfants.

Henri vivra à Monein où il décède en 1963 à 78 ans. C’est le grand-père de Dominique Pourtoy, mon correspondant, et d‘Isabelle Moakler, sa sœur.

Quant à Augustin Paillé il reviendra vivre à Monein. Vivre très longtemps jusqu’à 104 ans alors que son épouse Geneviève Lahitte, bien plus jeune, décède en 1898 à 45 ans.

« Augustin est bel et bien revenu en France, même si son fils Henri Paillé (mon grand-père maternel) a continué à faire des voyages tous les 2 ou 3 ans.

Mon grand-père Henri et son frère Auguste prennent la suite de leur père. Auguste mourra dès le début de la guerre en 1914, et seul mon grand-père assurera la supervision d’une gestion déléguée sur place, se rendant toutefois régulièrement en Argentine pour des séjours de plusieurs mois.

Un Placé à gauche ? Et Henri Paillé (fils d’Augustin) à droite

Augustin était parti aux Amériques sans sa promise (Jeanne Lahitte ?), également de Lucq de Béarn. Ils ne feront jamais souche en Argentine, mais fortune faite, s’établiront à Monein. 

Longtemps notre imaginaire de petits-enfants aura été nourri par les récits « héroïques » de ces voyages lointains, les photos que je vous joins, la cage du perroquet ramenée d’une escale en Afrique, etc.

Henri et la veuve d’Auguste jouissent d’un statut de rentiers et de notables à Monein, qui fera des envieux ; ma mère m’a souvent raconté sa honte d’être traitée de « Paillé de lamérique ». Tout a été perdu dans les années Peron, dû à un gestionnaire véreux et probablement aussi au fait qu’Henri était trop loin de la gestion des affaires au quotidien ».

Les souvenirs d’Argentine

Ma sœur, Isabelle Moakler, qui habite aujourd’hui la maison familiale historique Paillé à Monein, et une de nos cousines Paillé de la branche d’Augustin, ont été les premières à refaire le voyage et retrouver les traces d’Augustin Paillé et Juan Placé sur place. 

Quand nous sommes nous-mêmes revenus en pèlerinage à Chascomus et Monasterio en 2006, les propriétaires actuels de El Saüce (famille Braceras) nous ont nous aussi reçus comme si nous étions de la famille, alors que nous n’avons strictement aucun lien de parenté.

L’émotion fut forte de retrouver la cour de l’estancia, identique à la photo, seuls manquaient les deux cavaliers dont on aurait pu croire qu’ils allaient arriver d’un instant à l’autre. Mais l’état quelque peu délabré, de même que les attaques incessantes de milliards de moustiques de la « laguna » ont vite eu raison de notre émoi initial.

El Saüce – probablement Henri Paillé à droite

El Saüce : l’estancia de mon arrière- grand-père Augustin Paillé ; sur la photo mon grand-père Henri Paillé (nom d’usage, comme souvent ; en fait Jean Pierre Henri Paillé), fils d’Augustin, et je ne sais pas qui est l’autre cavalier. 

Emotion aussi de retrouver dans la ville de Chascomus un temps presque figé, avec des rues pavées, le fronton de pelote et l’architecture basque typiques, le théâtre que nos aïeux ont probablement connu tel quel ; les maisons historiques sans escalier pour accéder au premier étage autrement qu’au moyen d’une échelle qu’on pouvait retirer lors des attaques indiennes, relents d’une époque de colonisation qui n’a pas que des côtés glorieux.

Tableau de chasse – Henri Paillé (fils d’Augustin) à droite

– Le tableau d’une seule journée de chasse : avec mon grand-père Henri et probablement son frère Auguste ; le gibier était manifestement plus qu’abondant.

– La Tablilla : l’estancia de Jean Placé et Marie Paillé, nettement plus cossue que celle de El Saüce.

Quand nous sommes venus en 2006, la propriété appartenait encore aux Brenner, un couple déjà très âgé de chercheurs universitaires de Buenos Aires, délicieux et raffinés.

Avec l’aimable collaboration d’Isabelle Moakler pour les photos et Dominique Pourtoy pour le texte en italique.

Un supplément très intéressant écrit par Isabelle Moakler

Employés tout d’abord comme « peones » (ouvriers agricoles) par un propriétaire anglais ruiné, Augustin Paillé et Jean Placé rachètent très vite ses terres et font rapidement fortune à leur tour.

Les estancias El Saüce et La Tablilla sont voisines, au bord d’un lac dénommé « laguna La Tablilla ».

Augustin célibataire, laisse La Tablilla plus spacieuse aux Placé qui veulent s’implanter et fonder une famille. Ces estancias se trouvent, d’après une lettre, « à 9 kms de la gare (un simple arrêt sur la voie de chemin de fer) de Monasterio », c’est à dire au milieu de nulle part en pleine campagne sauvage ayant appartenu aux Indiens qui essaieront à plusieurs reprises de récupérer leurs biens, par des attaques successives et incendies des récoltes etc…

Ces terres, des milliers d’hectares, étaient distribuées aux militaires britanniques victorieux, comme récompenses pour leurs faits de guerre éblouissants ! Puis vendues par lots.

Henri notre grand père a hérité de El Saüce. Les terres environnantes sont léguées aux neveux Placé ou vendues.

Sa belle-sœur, veuve de son frère Auguste hérite d’une autre estancia sise à Brandsen, non loin de Chascomus, que nous n’avons pas cherchée, faute d’adresse précise.

Quant aux « milliers de têtes de bétail », cela semble véridique et même minimisé, d’après des documents sur les bilans et comptes des estancias. Une boucherie dénommée « El Saüce » se trouve toujours à Monasterio, où l’on vendait le bétail élevé à l’estancia.

Lorsque Auguste est trop âgé pour traverser l’Atlantique, puis décède à Monein à 104 ans, Henri prend la relève pour la gestion des terres.

Mais, la guerre de 1914 en Europe, la crise économique de 1929 aux États-Unis, ont des conséquences économiques dramatiques sur l’Argentine.

La viande, les céréales, ne s’exportent plus comme au siècle précédent. C’est le début d’une longue liste de désastres financiers, économiques, climatiques, gouvernementaux… qui appauvriront l’Argentine pourtant potentiellement si riche.

El Saüce – plan cadastral à l’époque des héritiers d’Augustin Paillé – environ 1000 ha

Augustin est donc le 5ème enfant de Jean Paillé métayer et Jeanne Cazalet. Etant le cadet, c’est son aîné François qui hérite probablement des terres et de la maison Poey, ne laissant d’autre choix à Augustin que de tenter l’aventure prometteuse que vendent les recruteurs. Cette maison où naissent 10 enfants Paillé au total, se trouve quartier Sègues à Lucq de Béarn. Elle surplombe une petite route de campagne, la D109 qui sépare la commune de Monein à gauche de celle de Lucq à droite. Augustin est donc né à Lucq, et Geneviève à Monein, au Moulin de Denot, quelques mètres à peine en contrebas de chez Paillé dont on aperçoit les fenêtres !

Ils sont donc voisins, et je ne peux que supposer que leur très grande différence d’âge lors de leur mariage (Augustin a 18 ans de plus que Geneviève) tient au fait d’un coup de foudre peu étonnant d’Augustin pour sa jolie et très jeune voisine, mais aussi de faire partager sa réussite et sa fortune à ses proches voisins restés dans le Béarn peu prospère.

De même, je suppose qu’il en fait bénéficier sa fratrie restée en Béarn. La maison Poey est vendue en 1882, les Paillé émigrent à peine plus loin, à Monein oui, mais de l’autre côté de la route de Navarrenx, frontalière entre Lucq et Monein. Tout comme « les Paillé d’Amérique » dont on qualifie Augustin et ses fils rentiers, j’ai entendu dire qu’on les surnomme « les banquiers locaux » prêtant aux voisins sans ressources de quoi acquérir des terres qu’ils récupèrent éventuellement en cas de non remboursement ! Si cela est vrai, j’ose avancer l’hypothèse qu’Augustin est pour quelque chose dans leur aisance financière, peu pensable à l’époque de la maison Poey. Et m’en réjouis.

Augustin n’a que 6 ans de moins que sa belle-mère, la Maman de Geneviève (1828-1918) !

Celle-ci, au décès de Geneviève en 1898, morte à l’âge de 44 ans de tuberculose à Monein, se charge d’élever les 2 fils d’Augustin, Auguste 15 ans, et Henri 13 ans !

Bien qu’âgée (70 ans) elle n’hésite pas à suivre Augustin et ses petits-fils en Argentine, où il réside de 6 mois à 2 ans, alternant longs séjours sur ses terres là-bas, et la France, à Pau au départ, puis Monein lorsqu’il est veuf.

Le courage de ces aînés est admirable, même si motivé par une situation précaire.

Le fil déroulé à Chascomús par ma cousine et moi-même en l’an 2000, en entrant au culot au détour de notre hôtel chez cet Agent Immobilier Plorutti – nom mentionné par mon grand-père, qui s’est avéré être notre cousin au 4ème degré (sa mère, Adelfa, la 6ème enfant de M Justina et Juan Dauna, donc descendante Placé, épouse un Plorutti), et a vécu à La Tablilla enfant !

Ce fil nous a permis de remonter le temps et reconstituer l’incroyable et difficile parcours tenté par nos ancêtres.

Comme le mentionne mon frère Dominique, nos charmants et sympathiques cousins argentins, les descendants de Maria Justina Placé et Juan Dauna sont venus plusieurs fois connaître à Monein et Lucq, le berceau familial et la branche béarnaise de la famille. Le lien est renoué à jamais, pour le plus grand bonheur des nombreux enfants, petits et arrières arrières petits-enfants des Placé Paillé du Béarn et d’Amérique.

3 réflexions sur « Paillé Augustin et Marie / Placé Jean »

  1. Moakler Isabelle

    Merci Madame de raviver la mémoire et le courage de nos valeureux ancêtres aventuriers, qui ont su faire le bonheur des leurs pour de nombreuses générations, en Europe et Amérique du Sud, en saisissant leur chance, sans compter, avec ténacité et générosité. C’est un bonheur d’avoir renoué avec nos cousins argentins, originaires du Béarn, et de leur faire découvrir le berceau familial.

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  2. DOMINIQUE POURTOY

    Merci beaucoup madame pour vos efforts permettant d’aboutir à cette publication.
    Une belle façon de capitaliser notre patrimoine mémoriel familial, de le pérenniser, le diffuser et le transmettre aux générations futures.
    Un très grand merci à vous donc pour votre aide mais plus largement pour votre œuvre dont nous ne manquerons pas de vanter la qualité et les mérites.

    Cordialement
    Dominique Pourtoy

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  3. Sophie MAULAZ

    Bonsoir Madame,
    C’est au hasard de vagues recherches sur Internet que j’ai pu plonger, via votre site, dans le passé de la famille Paillé dont on ne m’avait conté que les très grandes lignes. Henri Paillé était mon arrière-grand-père et père de ma grand-mère Henriette. Lorsque j’ai vu la photo d’Augustin, j’ai été frappée par la ressemblance avec mon défunt oncle Jean-Pierre. Merci de nous permettre à nous, les descendants, d’en apprendre davantage sur notre histoire car bien souvent, les témoignages écrits comme photographiques s’égarent ou sont détruits au fil du temps. Cordialement.

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