Une bien belle photo de famille envoyée par Alfredo Speroni, assis sur le sol au pied de sa grand-mère.
Alfredo et sa sœur, ses cousins tous avec la même cravate et cousines endimanchées, posent en compagnie de leurs grands-parents paternels : Angel Daniel Speroni et Maria Inocencia Ibarlin.
Speroni on reconnaît l’origine italienne mais Ibarlin ? A ma surprise les Ibarlin viennent du Pays Basque, de Banca.
Malgré toutes les graphies possibles du mot Ibarlin, je ne lui trouve aucun air basque sauf peut-être le col d’Ibardin, mais Alfredo avait déjà bien avancé dans ses recherches généalogiques dont voici un tableau :
Le premier émigrant était donc Salvador Ibarlin, inconnu dans toutes les listes …sauf une page d’un registre des immatriculations à Buenos Aires. Registre que j’avais photographié il y a plus de quinze ans au CADN de Nantes
Là, l’énigme était levée : Salvat Georges dit Ybarlin né le 25 avril 1825 à Banca était devenu Salvador Ibarlin en Argentine. Mais de surprise en surprise, nous arrivons à l’acte de naissance de Salvat à Banca le 28 avril 1825.
La seule chose exacte est la date, déclaré le 29 avril il est bien né la veille le 28 avril, le patronyme est Georges, son père est Michel Georges, sa mère Françoise Apharain, le nom de la maison est illisible, le village est La Fonderie. C’est l’acte de naissance de Salvat Georges, c’est le seul papier officiel que Salvador Ibarlin a présenté au Consulat.
L’arrivée en Argentine et son enregistrement au Consulat
Le 15 novembre 1862, Salvador se présente au Consulat de Buenos Aires avec son extrait de naissance. IL est marié, travaille comme maçon c’est un homme de haute taille pour l’époque : 1.75 m, des cheveux châtains et des yeux bleus. Il indique avoir embarqué sur le navire Aurora sorti du port de Bayonne en 1849 avec son épouse Marie Eyherabide née en 1824 à Banca, mais elle est native de Saint Etienne de Baigorry.
Il immatricule sa famille en même temps :
- Etienne qui nous le saurons par la suite est né en 1851 à Montevideo, dont la nationalité est « oriental ».
- Stéphanie née en 1854 à Buenos Aires et baptisée dans la paroisse de la Piedad
- Marie en 1856 et Jeanne en 1858 baptisées dans la paroisse de Dolorès.
Puis la famille déménage à Tandil dans la provincia de Buenos Aires où la fratrie s’agrandira de deux garçons Gratien en 1860 et Juan en 1863 après l’immatriculation.
Avant de quitter Banca, le couple a eu un enfant Salvat né en juin 1849, dont je ne trouve pas le décès en France, peut-être est-il mort à Montevideo ou pendant la traversée ?
La vie en Argentine
Après l’indépendance, l’Argentine était en pleine construction des étendues immenses parcourues par les Indiens et un besoin énorme de main d’œuvre européenne pour mettre ces terres en valeur : culture et élevage d’où une forte immigration
« L’origine des immigrants est principalement italienne mais il vint aussi de nombreux Basques (en particulier des Basques français) et des Danois, dont les descendants forment encore une communauté active. Ces Européens apportèrent les bases de l’activité économique désormais traditionnelle : la charcuterie et les produits laitiers. L’augmentation de la population lui permit d’obtenir le statut de ville à la fin du xixe siècle, renforcé par sa liaison au réseau ferroviaire en 1883 » Wikipédia
A Tandil, les immigrants trouvaient des terres et du travail mais la vie n’était pas très tranquille.
« Le centre urbain fut fondé par Martín Rodríguez le 4 avril 1823 sous le nom de Fuerte Independencia (Fort Indépendance). Mais jusqu’en 1875, les peuples indigènes se défendirent contre l’avancée des colons : Tandil souffrit ainsi de manière presque constante, d’attaques de la part des Pampas et des Ranquels.
Le 1er janvier 1872, Tandil fut le théâtre d’une scène sanglante : une trentaine d’habitants furent massacrés par une troupe de cavaliers, commandés par Gerónimo de Solane, surnommé El Tata Dios, qui dérobèrent des armes dans le tribunal local. Les raisons de cet acte sont peu claires, mais il s’agit très probablement d’un crime de droit commun. La plupart des coupables furent retrouvés et exécutés.
En 1875, Tandil fut victime d’une attaque meurtrière menée par les indigènes, malgré un traité signé peu avant avec le cacique Juan-José Catriel, et qui contribua à justifier dans l’opinion argentine la conquête du Désert ». Wikipedia.
Salvador Ibarlin était maçon mais il devait aussi travailler dans l’agriculture et l’élevage bovin et caprin. Partout il y a des Basques, il y a des brebis.
Le fils aîné Esteban Ibarlin, épouse Maria Idiarte (Idiart en France) née en 1850 également à Banca. Mariage en Argentine ? de cette union naissent Esteban en 1879 et Margarita appelée Maria Inocencia en 1882 ; c’est la grand-mère de mon correspondant Alfredo Speroni.
L’ascendance en France
Salvat Ibarlin né en 1825 et émigré en, 1849 est le fils de Michel Ibarlin et de Françoise Apharain
Ces derniers se sont mariés en 1821 à Banca La Fonderie. L’époux Michel Eberlin Georges, 31 ans, fils de Jean Iberlin Georges et de Jeanne Iputcha épouse Françoise Apharain, 32 ans, fille de Martin Apharain et de feue Marie Sallaberry.
Michel aura une courte vie puisqu’il décède en juillet 1826 à l’âge de 36 ans, il était cultivateur, locataire de la maison Paperenia de Banca. Sa veuve Françoise Apharain se retrouve avec deux jeunes fils prénommés les deux Salvat l’un a 3 ans et l’autre 1 an.
Michel Eberlin Georges né vers 1790 est le fils de Jean Eberlin Georges et de Marie Iputcha.
Pendant la période révolutionnaire, l’état civil a été créé en 1792, avant le clergé se chargeait de noter les naissances, mariages et sépultures. Au pays basque très conservateur, la ransition s’est souvent mal passée et de nombreux actes ont été perdus.
C’est en 1764 que le premier acte de mariage d’un Iberlain est mentionné. Georges Iberlin, natif de Sainte Marie aux Mines en Alsace épouse Jeanne Antonena cadette de la maison de Haïra du quartier de HaÏra de Banca.
L’Alsace est un pays de Mines et Georges Iberlin est mineur mais certainement pas simple mineur frappant le roc avec son piolet car il sait signer « Iberlain » chose extrêmement rare en France à cette époque.
Un rapide recherche sur Geopatronyme montre que les Iberlain sont nombreux en Alsace avec une origine allemande.
L’histoire de La Fonderie devenue Banca
La vallée des Aldudes située dans la zone frontalière entre la France et l’Espagne était couverte de forêts et de pâturages où les habitants de Baïgorry, côté français et de Burguete et Valcarlos, côté espagnol, faisaient paître leur bétail en été. Au XVII ème siècle, l’augmentation de la population et le droit d’aînesse condamnait les cadets au célibat et à devenir les domestiques de leurs aînés. C’était en général les cadets qui gardaient les troupeaux dans la vallée des Aldudes où il était interdit de construire des habitations en dur, ils devaient se contenter de cabanes de branchages pour se protéger. La révolte des cadets permit de changer ce statut et peu à peu les cadets s’installent et fondent des familles. Chose très mal vue de côté français et espagnol car cela réduisait l’étendue des estives, pâturages d’été.
Vers 1790, le village des Aldudes est reconnu et il obtient son église, sa mairie et son indépendance vis à vis de Baïgorry.
Un quartier des Aldudes Ithurrigorri (la fontaine rouge) était tout à fait différent du reste de la vallée, ici pas de troupeaux, pas de culture mais des hauts fourneaux et des ouvriers brisant la roche rouge à coups de de piolets, des cheminées de hauts fourneaux où l’on chauffe le minerais pour en faire couler le cuivre . Ce sont les mines de cuivre.
« L’exploitation de ces mines remonterait à l’époque de la présence romaine pour le plomb, l’argent et le fer ; mais c’est au XVIII° siècle qu’un entrepreneur venu de Suisse, Laurent Beugniére de la Tour, entreprendra une vaste prospection. En 1747 s’achève la construction d’une grande fonderie de cuivre. Vers 1756, apogée de l’établissement, 130 tonnes de métal furent produites. L’usine employait environ 400 personnes à un moment donné. »(*)
Ce quartier pris le nom de la Fonderie puis avec le déclin de l’industrie minière, il devint la commune de Banca ou Banka en basque. Le curé de Baïgorry autorisa les paroissiens à construire une église, pensant que cela était impossible, le lieu était un bloc de granit mais avec leurs pics et leur courage, les habitants réussirent l’impensable : l’église de Banca.
Tandil n’était pas un havre de paix avec les attaques des Indiens spoliés de leur territoire mais la vallée des Aldudes et Banca ont aussi connu des moments difficiles en plus des disputes de voisinage.
En 1791, le roi d’Espagne en réaction à la mort de Louis XVI sous la guillotine envoie des troupes sur la frontière franco- espagnole.
« La vie de la population civile fut un cauchemar : pillages, destructions, assassinats, famine et épidémies faisaient le quotidien de l’époque. En 1794, une attaque fut dirigée sur Saint Etienne de Baigorry où il y eut quatre cents fermes brûlées en représailles à des maisons incendiées par les Français à Valcarlos.
En deux ans, rien ne fut épargné aux populations de la commune de Fonderie. Sans parler du nombre de morts, la vallée fut totalement détruite, les bois furent coupés sans ménagement et la forge et la fonderie mises hors d’état de servir ». (*)
En 1813, le même cataclysme se reproduisit quand les troupes de Napoléon furentrepoussées hors d’Espagne
« Les soldats ne comprenant pas la langue du pays, ne sachant quel chemin emprunter, la plupart en haillons et sans chaussures, n’ayant pas dormi depuis au moins 6 jours, mourant de faim et de soif, car, après les pluies torrentielles de l’année, une chaleur écrasante s’était installée au retour, les troupes ravagèrent le pays, dans une fièvre de vandalisme proche de la folie collective. »(*)
Maintenant Banca est un beau petit village touristique où il fait bon vivre !
(*) d’après Claude Lesgourgues. Histoire de la vallée des Aldudes.
Avec l’aimable collaboration d’Alfredo Speroni, argentin, descendant de Salvador Ibarlin.
Courrier de Alfredo le 23/05/2023
Bonjour Christiane, merci beaucoup d’avoir publié cette belle histoire. Je vais le distribuer à mes enfants
Pour qu’ils connaissent et préservent cette information.
Avec affection
Alfredo Speroni