Anne-Marie Carata ou Quarata née en Béarn a émigré en Argentine à 19 ans, le cœur bien gros, puisqu’elle laissait à Oloron son ami de cœur Pierre Saint-Martin. L’amour a été le plus fort car Pierre est parti l’année suivante ; ils se sont mariés à Necochea en Argentine. Malgré une enfance assez misérable, Anne-Marie dotée d’une bonne santé et d’un fort caractère a vécu jusqu’à 103 ans. Elle avait emporté son chapelet dont elle ne se séparait jamais et qu’elle a dû souvent égrener en pensant à son Béarn natal ; ce chapelet est passé de génération en génération et c’est Camilo Saint-Martin son arrière-arrière-petit-fils qui le garde précieusement. Camilo, 20 ans, élève en droit a profité du confinement pour rechercher ses racines. Anne-Marie était rouquine « pelirroja » cette couleur avait disparu de la famille mais surprise à la quatrième génération de nombreux rouquins ont apparu chez les descendants. « Vous ne m’oublierais pas ! » a rappelé Anne-Marie ; Camilo héritier de sa chevelure flamboyante a entrepris les recherches.
La famille Quarata.
Ce n’était pas facile à trouver car l’orthographe changeait selon les villages et des villages ils en ont parcourus les Quarata !
Anne-Marie Quarata est née à Lasseube en 1870, fille de Louis Quarata métayer et de Marie Daurine Arnaud.
En 1856 dans le petit village d’Estos près d’Oloron, se marient Louis Quarata né au Faget d’Oloron, fils de François Carata et de Françoise Malarode avec Marie Daurine Arnaud, 20 ans, née à Estos de Jean Arnaud de Cardesse et de Marie Mousist.
Le jeune couple s’installe à Estos, ils sont journaliers et devront souvent changer de résidence selon les employeurs.
En 1856, François naît à Estos, en 1859 ils sont à Monein lors de la naissance de leur second enfant Pierre qui décède la même année à Ledeuix. En 1861, un autre Pierre naît à Saucède puis un troisième Pierre en 1863 ; de 1865 à 1868 ils habitent Oloron où deux filles voient le jour : Marie en 1865 et Magdeleine en 1868 puis la famille déménage à Lasseube où Anne-Marie nait en 1870 et où sa sœur Magdeleine décède en 1872. Cette instabilité dénonce une grande misère et Louis Quarata qui était pourtant instruit, il signe avec aisance, meurt seul à l’hospice d’Oloron en 1889, à l’âge de 59 ans.
Il est seul car presque toute sa famille est partie en Argentine.
En 1882, trois fils émigrent ; Pierre (1861) le premier puis quelques mois après Pierre (1863) et François l’aîné. Quelques années plus tard, leur mère Marie Daurine Arnaud, épouse Quarata, part rejoindre ses garçons en Argentine, en 1888 elle est la marraine de Delia une fille de Pedro Carata baptisée à Necochea. Anne-Marie ne quittera Oloron qu’en avril 1889.
Julien Arnaud, un frère de Marie Daurine, né à Estos en 1849, a émigré en 1872 ; la famille Carata est donc reconstituée à Necochea.
Une seule fille est restée au pays, Marie née en 1865, mais elle aussi n’a pas dû avoir la vie très facile car lorsqu’elle épouse Jean Courrèges en 1899 à Oloron, ils déclarent avoir déjà cinq enfants avant leur mariage.
La famille Saint-Martin
Les Saint-Martin sont une ancienne famille de la paroisse de Sainte-Marie qui fusionne avec Oloron en1858 pour former la commune d’Oloron Sainte-Marie.
Pierre-Thomas Saint-Martin né en 1867 à Oloron est le fils de Laurent Saint-Martin et de Marie Ratineau.
A Oloron dans le quartier Sainte Marie, en décembre 1859, a lieu le mariage de Jean Rieule Saint-Martin, coutelier, fils de Thomas Saint-Martin, boulanger et de Paschale avec Marie Ratineau fille de feu Antoine Ratineau, menuisier, et de Marie Engrâce Cramouse.
Ce sont deux jeunes gens ayant des métiers, issus tout deux du quartier et bien implantés dans la population, malgré cela ils n’auront pas de chance. Leur premier enfant Thomas Jean nait en janvier 1860 décède à 6 mois, puis arrive Louise en décembre 1860 qui ne vit que quelques mois puis un troisième enfant Jean voit le jour en 1863. Drame en 1864, Jean Rieule décède à 28 ans. Marie reste veuve avec un fils.
Deux ans plus tard en 1866, la veuve se remarie avec un frère cadet de son époux. A l’époque c’était une chose courante et une façon de venir en aide.
En 1866 a donc lieu le mariage de Laurent Saint-Martin et de Marie Ratineau.
Laurent est le cadet de deux ans de Jean Rieule, il exerce la profession de chaudronnier.
Des enfants naissent : Pierre Thomas en 1867, Antoine en 1868, Jean Auguste en 1870, Grat en 1872 qui décède à 19 ans, Anne-Marie en 1874 qui décède à 14 mois, Joseph en 1878 qui ne vit que 6 mois et enfin Eugénie en 1881.
Dans cette famille on est frappé par le nombre de décès, sur 10 enfants seuls 5 atteindront l’âge adulte pourtant ils vivaient dans des conditions matérielles beaucoup plus confortables que la famille Quarata.
Chez les Saint-Martin on n’émigre pas : Jean est tailleur il s’installe à Fontevreault après son service militaire, Antoine est cordonnier mais après l’Armée il change de profession et devient gardien à la Prison de la Santé à Paris ; Jean Auguste fonde une famille à Oloron, Eugénie s’installe à Paris mais elle revient en Béarn et décède à 90 ans à Pau et Pierre-Thomas ? Il part rejoindre sa fiancée.
Anne-Marie Quarata est partie rejoindre sa famille à Necochea en 1889, Pierre Thomas Saint-Martin s’embarque en 1890 et lorsqu’il s’immatricule en 1891, il s’est déjà marié. En Argentine il s’appellera Pedro (Pierre).
En Argentine
Une légende familiale raconte que Pierre est arrivé en Argentine à Bahia Blanca avec un frère mais qu’ensuite lui est parti à Necochea et l’autre dans la Pampa et qu’ils ne se sont plus jamais revus. Presque chaque famille a une légende quand on ne connait pas son passé on l’invente et souvent on l’embellit, ici je pense qu’il s’agissait d’un ami ou d’un compagnon de traversée.
Aussitôt arrivé, Pierre Saint-Martin épouse Anne-Marie Quarata à Necochea où vivait une Colonie française dont de nombreux Béarnais. Necochea dans la province de Buenos Aires était une région rurale de plaines où les nouveaux émigrants pouvaient trouver du travail dans l’agriculture et l’élevage. C’est à Necochea que naquirent les premiers enfants : Pedro, Justa, Eugenia et Eusebio. Puis le couple déménage à Tres Arroyos où naquirent Juan et en 1912 Luís, l’arrière-grand-père de mon jeune correspondant. Tres Arroyos qui est au cœur d’une zone d’agriculture et d’élevage offrait des emplois plus intéressants.
Comme l’explique Camilo, Tres Arroyos a été une terre d’accueil pour des émigrés de diverses nations ; au centre de la place principale se dresse « el Monumento al emigrante » c’est là que chaque année se déroule une fête ; chaque collectivité apporte des plats de son pays, on chante les chants traditionnels, on danse… c’est la fête du souvenir.
« Todos los años, no recuerdo bien que día, se realiza la fiesta de las colectividades, es decir que en la plaza o en el lugar donde se desarrolla, todas las sociedades (francesa, danesas, españolas, etc.) ponen puestos de comidas originarias de su país y realizan bailes o cantos característicos de las diferentes regiones. Esto es así, porque Tres Arroyos fue uno de los pocos lugares de la provincia donde se instalaron la mayoría de las comunidades de inmigrantes. Y ya desde hace años se estableció su fecha de fiesta. »
A Tres Arroyos, Pierre était « encargado » de terres, chargé de diriger une grosse exploitation, une « hacienda ». Il est mort très jeune.
Son fils, Luís est décédé aussi très jeune, son fils n’avait que 15 ans, la famille ne savait donc pas grand-chose, souvent les souvenirs ne sont évoqués que lorsqu’on vieillit.
Une des filles Justa tenait un commerce à proximité de chez ses parents et sa mère allait tous les jours lui rendre visite. Pour reconstituer son histoire familiale Camilo a contacté deux filles de Justa.
Cuenta mi abuela (esposa del hijo de Luis, que también se llamaba Luis) que la tatarabuela tenía un carácter muy fuerte y que le costó mucho dejar Francia y venir para Argentina.
Anne-Marie est décédée à Mar del Plata à plus de cent ans mais les deux dernières années dans un état végétatif.
Anne-Marie est presque revenue à Oloron puisqu’on pourra lire l’histoire de sa vie.
Une anecdote
J’ai été surprise que dans les actes de mariage des fils Saint-Martin, leur mère n’ait qu’un prénom : Paschale ; c’était une enfant abandonnée de père et mère inconnus. Voici ce que raconte l’acte :
En l’an III de la période révolutionnaire, un habitant d’Estialecq se présente à la Mairie disant que le dimanche soir de Pâques une femme inconnue et enceinte frappe à sa porte en demandant de l’aide, elle est sur le point d’accoucher. Le couple lui offre l’hospitalité et aux premières heures du lendemain une petite fille naît. L’épouse du comparant prend soin de la mère qui ne veut pas parler et du bébé que l’on enveloppe dans une couverture. Surprise ! Le mardi matin, l’inconnue a disparu laissant son bébé et un petit bonnet. Le brave homme explique que ni lui ni sa femme ne peuvent s’occuper de la fillette et demande au Maire qu’il fasse le nécessaire pour la faire admettre à l’hospice.
Cette fillette abandonnée est la grand-mère des Saint-Martin.
Avec l’aimable collaboration de Camilo Saint-Martin, Argentin.