Docteur Brougnes Auguste

Caixon 65

Le Docteur Brougnes est un personnage important dans l’histoire de l’émigration des Pyrénées vers le Río de la Plata, au XIXe siècle ; de nombreux ouvrages ont été publiés en rapport avec son action. Pour moi, il est différent des autres agents ou colonisateurs par son côté humain ; j’ai eu la grande chance d’entrer en contact avec une de ses descendantes argentines Virginia de Gregorio qui possède les Archives de son célèbre arrière-grand-père.

Auguste Brougnes n’a pas vu l’émigration comme une industrie dont parlait la plupart des agents mais comme un moyen d’aider l’humanité, d’enrayer la misère de certains en développant la colonisation agricole c’est à dire la mise en valeur de terres laissées incultes.

Le Docteur Brougnes est un philanthrope.

« Me agradecería satisfecho con la gloria de conseguir su triunfo de mejorar la situación económica del pequeño cultivator europeo y de engrandecimiento de esta República »

Virginia de Gregorio descendante argentine du Docteur Brougnes

Dans son premier courrier, Virginia m’explique qu’elle ne connaissait pas l’histoire de son ancêtre Auguste Brougnes mais que, presque par hasard, des documents sont arrivés dans ses mains. Documents abandonnés pendant un demi-siècle dans un grenier.

« Es una larga historia, tal vez en algún momento pueda contarte cómo estos tesoros llegaron, aproximadamente, hace dos años a mis manos. Por ahora te cuento que estuvieron abandonados dentro de una bolsa por más de cuarenta años en un altillo. Por casualidad llegaron a mis manos. Me sorprendió enormemente la vida de Augusto, la desconocía por completo. Ahora estoy tratando de reconstruir su historia. Los documentos son muchos e importantes. Lentamente voy avanzando en la tarea. Christiane, muchas gracias por tus envíos. Leo muy poco francés pero me las arreglo para entender. »

Touchée par cette histoire familiale, Virginia est venue en France dans le but de connaître le village de Caixon, berceau de la famille Brougnes. Une grève de train a contrarié ses plans, elle n’a pu arriver qu’à Tarbes.

« Estuve en el mes de diciembre en Francia, llegué hasta Tarbes pero una huelga de trenes me obligó a partir sin poder visitar Caixón. No sabés cuánto lo lamenté.»

« Para finalizar quería comentarte que mi intención es repatriar toda la documentación a Francia. Lo he intentado en los Archivos Generales de Altos Pirineos pero no muestran demasiado interés. Quizá puedas informarme a qué dirección de mail debo escribir para comunicarme con la Biblioteca Nacional de Francia y comentarles este tema. Es por este motivo que desearía repatriar la documentación a Francia a alguna institución que esté realmente interesada.»

Mis abuelos Agustina Clara (nieta de Augusto e hija de Louis) y Osiride de Gregorio (concertista)

Le vœu le plus cher de Virginia est que ces documents reviennent en France, elle a pris divers contacts mais à ce jour, rien n’est décidé. C’est pour cela que je vais raconter la vie et l’œuvre du Docteur Brougnes. Avant elle, Berta, une petite fille du docteur, avait fait un résumé de la vie et de l’œuvre de son grand-père. Brougnes fut le premier a présenter ce projet de colonisation, mais son nom est complètement oublié en Argentine au profit de Castellanos qui en présenta une copie.

« Mi tía abuela Berta, que no conocí, luchó durante muchos años para que se reconociera a Brougnes como el primer francés que presentó un proyecto de colonización. En Argentina Brougnes está totalmente olvidado y el reconocimiento es para Aarón Castellanos. Parece que el proyecto de Castellanos es una copia exacta del que presentó mi tatarabuelo con anterioridad. »

La vie d’Auguste Brougnes

Auguste Brougnes est né à Caixon le 12 octobre 1810, c’est le quatrième fils de Marcelin Brougnes, médaillé de Sainte Hélène* et de Jeanne Lanusse ; ses parents sont des propriétaires terriens faisant partie des notables du village. Leur fils fera des études, après avoir fait ses humanités à Tarbes ou Toulouse il « monte » à Paris s’inscrit à l’Université puis en Faculté de Médecine. En 1837, il est diplômé après avoir présenté une thèse intitulée « Essais sur les passions : leurs influences et leurs effets. »

* Cette décoration a été décernée aux soldats ayant combattu avec Napoléon Bonaparte entre 1793 et 1815.

Il commence sa carrière à Auneau en Indre et Loire où il épouse en 1843, Maxime Constance Louise Legendre née en 1828, fille de Louis-François Legendre et Maxime-Constance Maugars. L’épouse n’a pas encore seize ans.

En 1844, le roi Louis Philippe d’Orléans le nomme Chirurgien de la Garde Nationale mais ce n’est pas ce genre de médecine qui l’intéresse et l’année suivante, il rentre à Caixon, son village natal.

En 1845, le docteur Brougnes achète un important domaine appartenant à un noble du pays Monet de Lombrun ; cette acquisition comprend un château, ses dépendances et 32 hectares de terres, le tout situé à Caixon.

C’est dans cette demeure familiale que naîtront ses huit enfants :

  • Louis Auguste Léon dit Sperat le 17/06/1846 qui émigre en Argentine ;
  • Celestin Osmain Romain le 17/3/1850 qui émigre en Argentine ;
  • Léontine Marie Mila le 1er Janvier 1855 qui épouse Louis Lauga en 1880 à Caixon ;
  •  Marcelin Alberto le 19/9/1856 qui émigre en Argentine ;
  • Louis ou Luis le 24/09/1857 qui émigre en Argentine ;
  • Augustine, Marceline, Louise, Berta le 30 janvier 1866 qui émigre aussi ;
  • Marie Alexandrine, Céleste le 2/08/1867 qui décède à 11 mois ;
  • Alexandre, Oscar le 12/06/1866 qui se marie à Oran en 1898 et décède à Oggaz Mascaras en 1904 à 32 ans ;

En résumé : cinq enfants choisissent l’Argentine, un l’Algérie et une fille se marie à Caixon.

C’est aussi dans cette demeure que décédera Auguste Brougnes le 25 juillet 1888, à 77 ans, dans un accident dû à un cheval. Le médecin conduisait sa voiture attelée au cheval quand celui-ci s’est emballé (cheval fou) détruisant la voiture et provoquant la mort du docteur ; sa veuve Louise Legendre est restée dans la demeure familiale jusqu’à son décès le 31 janvier 1909 à 81 ans.

Colonia San Juan l’oeuvre du Docteur Brougnes

Auguste Brougnes habite son château entouré d’une famille heureuse mais pour exercer son métier de médecin il doit parcourir la campagne dans une voiture à cheval, par tous les temps et dans des chemins boueux, caillouteux presque impraticables. Ces inconvénients, Auguste Brougnes les connaissait mais ce qui l’a le plus touché ce sont les conditions de vie, l’habitat, la misère de ses compatriotes.

Au XIX ème siècle la maison du paysan était rudimentaire, des murs de chaume, un sol de terre battue, une pièce avec la cheminée et deux ou trois chambres en enfilade où s’entassait le reste de la famille, souvent deux générations et de nombreux enfants. Mais le plus désolant pour un médecin était le manque d’hygiène, de nourriture saine et les préjugés accompagnant l’ignorance. Les médecins devaient faire des prouesses car toujours appelés trop tard ils devaient ouvrir, amputer…ils ne se déplaçaient qu’avec une trousse complète d’instruments chirurgicaux : bistouris forceps …et malgré cela ils avaient peu de guérisons.

Ce grand humanitaire supportait mal cela et cherchait comment y remédier.

Quelques émigrants partis les premiers en Uruguay à partir de 1832, envoyaient des lettres et quelquefois rentraient au Pays, fortune faite. Le slogan était ; dans le Rio de la Plata (Argentine et Uruguay), il suffit de se baisser pour ramasser l’or ; image signifiant s’enrichir.

Le Docteur Brougnes décide de se rendre sur place. Le 4 novembre 1850, il embarque du port de Bordeaux en direction de Buenos Aires sur le navire Don Juan qui ne fera le trajet que jusqu’à Montevideo. Il prend contact avec Lafone, l’agent d’émigration anglais qui recrute déjà en France ; celui-ci est intéressé par le projet.

Auguste Brougnes décide de visiter l’Uruguay et l’Argentine à la recherhe de terres propices à l’agriculture, il met son dévolu sur les rives des fleuves Paraná et Uruguay.

En janvier 1853, il obtient l’accord du Gouverneur de Corrientes, ratifié en 1854 par le Gouvernement de la Confédération Argentine, la plus haute autorité du pays.

Le rêve de Brougnes est sur le point de se concrétiser

Le contrat stipule que Brougnes devra introduire mille familles d’au moins cinq personnes et des enfants en état de labeur âgés au moins de dix ans.

La publicité, l’organisation de la traversée ainsi que l’accompagnement des colons reste à la charge de l’entrepreneur. Un bateau, s’il est disponible sera fourni à Montevideo pour remonter les fleuves Paraná et Uruguay jusqu’aux emplacements choisis pour l’implantation des colonies.

Chaque famille recevra 32 hectares de terres, un rancho de deux pièces, des outils, 12 têtes de bétails : 2 bœufs de labeur, 8 vaches laitières et reproductrices et 2 chevaux, des semences de coton, de tabac, de blé, de maïs et des plants de patates douces. Tout cela devra être remboursé au bout de deux ou trois récoltes.

La prospection et le départ de Bordeaux

La prospection se fait dans les Hautes-Pyrénées, le Béarn faisant partie des Basses Pyrénées ou Pyrénées Atlantiques, le Gers et la Haute-Garonne. 190 personnes demandent leurs visas au Préfet de la Gironde et viennent les retirer du 10 au 20 octobre 1854.

Le groupe des colons est constitué de 78 hommes célibataires (24 Hautes Pyrénées, 6 du Gers, 9 du Béarn et 29 de la Haute Garonne) 11 femmes célibataires (4 des Hautes Pyrénées , 7 de la Haute-Garonne) et 18 familles ( 8 des Hautes-Pyrénées, 9 de la Haute-Garonne et 1 du Béarn) comptant 36 adultes et 65 enfants. Le convoi estaccompagné par Victor de Sabater.

Le trois-mâts Lily quitte Bordeaux le 23 octobre 1854 sous la responsabilité du commandant Toulouze et de ses 20 hommes d’équipage.

La famille Verdier faisait partie du premier convoi

Le voyage des Verdier en 1854-55 se passe bien. Après 58 jours de traversée, ils débarquent à Montevideo où ils séjournent deux semaines. Le 10 janvier dans un navire remorqué par un vapeur brésilien ils remontent le Rio Paranà et arrivent à Corrientes un mois plus tard. Une passagère décrit cela comme un voyage d’agrément « Nous nous arrêtions et nous trouvions abondamment des oranges, des melons, des figues et des pastèques ». Nos voyageurs sont surpris par l’inversion des saisons mais la chaleur ne les dérange pas « c’est comme chez nous en août » On a distribué des terres et une grande partie du bétail ; ils sont acceptés par les Indiens « Ils viennent nous visiter tous les jours, ils n’aiment pas le travail agricole mais ils vivent bien avec leur bétail en liberté. »

Ceci n’est pas tout à fait la vérité car de nombreux épisodes malheureux ont ponctué cette épopée, tout d’abord une épidémie de variole qui a tué 14 personnes puis l’obligation d’une quarantaine sur l’Isla de las Ratas à Montevideo où trois autres adultes sont décédés et pour parfaire tout cela Victor de Sabater apprend que l’agent uruguayen, mandaté par Brougnes pour s’occuper de la remontée du Paraná et de l’installation sur les terres, n’avait rien fait.

Après plusieurs tractations et beaucoup d’argent fourni par le Docteur Brougnes, les colons sont installés en mars 1855 soit quatre mois après le départ.

La Colonia San Juan

Auguste Brougnes avait tout prévu, il avait choisi d’installer les colons sur des terrains fertiles dans la région de Missiones à proximité d’un port sur le Paraná pour faciliter l’exportation des denrées agricoles. Les colons seraient accompagnés d’un curé, d’un instituteur et même d’un juge.

Mais le contrat ne fut pas respecté, les Colons furent installés au nord de Corrientes sur le territoire de Santa Ana ; territoire devenu « La colonia San Juan ».

Le problème, car problème il y a, Brougnes avait choisi des terres libres appartenant à la Provincia de Missiones mais la Colonia San Juan a été installée sur des terres dont la moitié appartenait à des propriétaires qui furent expropriés sans aucun dédommagement. Cela créa des tensions d’autant plus que les habitations n’étaient pas construites, mais les Pyrénéens sont pleins de courage et de volonté de réussir.

L’échec fut flagrant lors de l’arrivée du troisième convoi

Les mauvaises nouvelles sont arrivées jusqu’en Bigorre et il a été difficile de trouver des familles sérieuses prêtes à émigrer ; se sont surtout présentés des aventuriers, pas toujours recommandables ; en plus personne ne pouvait payer le voyage.

Le docteur Brougnes soucieux de respecter ses engagements dût recourir à des lettres de changes c’est à dire de nouveaux emprunts qu’il garantissait par ses biens personnels.

La famille Bérot faisait partie de ce troisième convoi

Par contre le voyage des Bérot en 1857 tourne au cauchemar. Après une traversée de deux mois sans grand confort, les émigrants sont débarqués à Montevideo sans aucun moyen prévu pour se rendre à Corrientes. Le capitaine du bateau les oblige à descendre et fait jeter leurs malles pêle-mêle sur le quai ; ils sont abandonnés sans ressources et sans vivres. Nombreux sont ceux qui cherchent à s’installer à Montevideo plusieurs y trouvent du travail car c’est la saison des moissons. Quelques-uns arrivent à Corrientes mais ils sont mal accueillis, le gouverneur les place sur des terres pauvres que parcouraient les troupeaux des Indiens, d’où de nombreux heurts.

En 1857 en France, le Ministre de l’Intérieur fait supprimer toute publicité et interdit au Dr Brougnes.d’envoyer d’autres personnes en Amérique.

Le rêve d’Auguste Brougnes tourne à l’échec

Berta sa petite-fille résume ainsi la situation :

Ello, y otra causas que fueron de dominio público, hicieron fracasar este intento de colonización que había ocasionado al concesionario un crecido desembolso. Años de esfuerzo inútiles e ilusión defraudada tanto suya como de los colonos, siendo disuelta esta colonia en 1857.

Después de muchas penurias, a fin de hacer valer sus derechos, se le reconoce al Dr. Augusto Brougnes, por un convenio celebrado con fecha 7 de diciembre con el Gobierno Nacional, por vía de transacción y arreglo, la cantidad de setenta y cinco mil pesos de capital e interese, el cual fue sancionado con fuerza del Ley por el Senado y Cámara de Diputados de la Nación el 12 de Julio de 1864.

Le Docteur Brougnes a perdu beaucoup d’argent dans cette aventure mais il considère toujours que son idée était la bonne. Il avait raison puisque la Colonia San Juan a été suivie de plusieurs autres groupes de peuplement.

Comme l’explique sa descendante, son premier travail a été de faire reconnaître ses droits. Avec tenacité, Auguste Brougnes, s’est battu avec le Gouverneur de Corrientes, le Gouvernement argentin et il a réussi à obtenir une compensation de 65 000 francs, dette qui fut reconnue et approuvée par le Sénat et la Chambre des députés argentins.

Auguste Brougnes n’a pas pu s’installer en Argentine car son épouse de santé fragile pensait ne pas pouvoir supporter un si long voyage. Cet homme était passionné par ce pays et jusqu’à sa mort il a fait des plans pour faciliter le peuplement de ces grandes étendues.

« A pesar del fracaso de esta desgraciada empresa, Augusto Brougnes continúa obsesionado por colonizar la República Argentina que mucho amaba y en el año 1881 proyecta un plan para colonizar La Pampa y la Patagonia, diciendo en un párrafo “quedaría satisfecho con la gloria de conseguir el triunfo cuyo resultado fuese el de mejorar la situación económica del pequeño cultivador europeo y el engrandecimiento de la República. »

La descendance Brougnes en Argentine

Cinq fils s’installent en Argentine, on retrouve des traces de trois fils grâce aux recensements de 1895.

Sperat, le fils aîné se marie avec Eulalia Ducos, française. Ils ont un fils Sperat Louis né en 1876 à Lomas de Zamora, Buenos Aires.

En 1895, Spérat est déjà décédé, Eulalia, veuve, vit avec son fils unique de 18 ans.

Osmin, né en 1850, est architecte, il a épousé Marie-Laurence Galey de Mane en Haute-Garonne. En 1895, ils ont deux filles Berta 13 ans et Blanca 11 ans.

C’est cette Berta qui essaya de faire vivre la mémoire de son grand-père.

Luis, né en 1857 a épousé une Argentine Clotilda Poccard, fille de Jean Baptiste Poccard et Clara Olivera. Il est employé de commerce puis architecte

En 1895, le couple a un fille Clara, 8 ans et en 1896 un fils Luis Osmin Auguste.

Clara y sus hijos, el que está abajo a la izquierda es mi padre, Jorge de Gregorio.

Clara est la grand-mère de Virginia De Gregorio ma correspondante.

« Soy descendiente de Louis, arquitecto. Desconozco por qué usaba el nombre Osmín. Lo mismo sucedió con mi abuela que se llamaba Agustina Clara pero prefería ser llamada « Clara » y así figuran en muchos documentos.

Te adjunto también el pasaporte de, lo que yo creo fue, su último viaje a la República Argentina.

Avec l’aimable collaboration de Virginia de Gregorio et l’aide posthume de Berta Brougnes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *