Pierre Durrels est le fils de Jean Durrels et de Catherine Equios dit Etchebest. Ce couple se marie à Aroue en 1825, l’origine des Durrels se trouve dans le village de Hélette. Jean est le fils de Domingo d’Urrels et de Catherine d’Etchechoury. L’épouse Catherine dite Poupoune Equios dit Etchebest est née à Aroue, fille d’Equios Martin, forgeron, et de Marie Aguerre dit Etchebest.
Les jeunes époux s’installent à Etcharry, village voisin d’Aroue. En 1826, naît leur première fille Marie dite Toutine. Lors de la naissance, le père est absent et c’est une sœur de la mère qui vient aider la parturiente ; lorsqu’elle va déclarer la naissance elle ne donne que le nom de la mère et Marie Toutine deviendra Etchebest Marie Toutine. Quelques années plus tard, arrive un garçon Pierre ; le père est encore absent et cette fois la tante oublie d’aller déclarer la naissance à la Mairie. Cet enfant est certainement baptisé mais l’évêché de Bayonne ne possède pas les registres.
Donc Pierre Durrels restera le grand anonyme des registres à la grande déception de son descendant argentin Don Gustavo de Bonis, prêtre, habitant Rome.
Nous avons la certitude de son identité tout d’abord par une liste d’insoumis établie par les Affaires Militaires de Saint Jean Pied de Port le disant né à Etcharry en 1834 et ensuite par la Mutation par décès établie en 1872 au décès de Jean Durrels, son père, affirmant qu’il laisse ses biens à son fils unique Pierre Durrels établi en Argentine.
Marie Toutine, la sœur de Pierre est décédée en 1858 à 32 ans, célibataire à Etcharry, elle était couturière.
Le départ
Pierre Durrels n’a pas le profil classique de l’émigrant, ce sont le plus souvent des cadets de famille nombreuse, lui est le seul garçon mais il a dû juger que la vie de son père était trop pénible. Vers 1850, les jeunes insoumis prenaient le bateau à Pasajes en Espagne où il n’y avait pas de contrôles ; ces bateaux étaient souvent armés à Bayonne mais prenaient les passagers de l’autre côté de la frontière. Pierre Durrels s’immatricule au Consulat de Buenos Aires en 1870 : 1,68m, yeux gris bleus, marié en 1856 à Balvanera.
La vie en Argentine
Je laisse la parole à Gustavo descendant de Catalina Durrels Bidegain.
Petite histoire des Durrels-Bidegain à Chascomús, Buenos Aires, Argentine
Cette famille composée de Pierre Durrels et Gratienne Bidegain, comme tant d’autres émigrants basques, a commencé ses racines en terre argentine dans la seconde moitié du XIXe siècle.
En fait, d’après les données dont nous disposons, le premier à arriver est Gratienne Bidegain, en 1851 (selon le registre des arrivées d’immigrants au port de Buenos Aires). Gratienne est originaire d’Irouléguy, il semble qu’elle soit accompagnée dans son voyage par un natif de Compound.
Selon les registres paroissiaux, il est établi dans le quartier de Balvanera.
Par contre, Pierre Durrels, arrivé au port de Buenos Aires en 1855 à bord du navire La Perle, au départ du port de Passages, nous croyons qu’il venait d’Etcharry, Atlantique-Pyrénées, car ses parents habitent dans la so- appelé « Maison Durrels » de ce village.
Pierre et Gratianne se marient à l’église de Balvanera le 16 décembre 1855. Pierre est menuisier et Gratianne est couturière. Certes, en Argentine, qui se consolide en tant que nouvelle nation, tous les emplois sont les bienvenus, notamment ceux liés à la construction de bâtiments, au montage de voitures, de meubles. Pour Pierre, c’est une belle opportunité !
La nouvelle famille déménage au sud du « grand village » qui se transforme peu à peu en « grande ville » de Buenos Aires, précisément sous la juridiction de la paroisse de l’Immaculée Conception.
Tout de suite, Dieu bénit cette nouvelle famille avec l’arrivée de leur progéniture : Pedro, Catalina (mon arrière-grand-mère), Ramón, Estefanía, Miguel, Juan Bautista, Graciana et un autre Pedro.
Pierre et Gratienne, comme tant d’autres Basques, deviennent plus conscients de la possibilité de travailler à l’intérieur de l’Argentine. En fait, le gouvernement provincial encourage le transfert d’immigrants vers l’intérieur de la province de Buenos Aires.
En effet, Pierre et Gratienne savent que d’autres ressortissants sont transférés vers des lieux de croissance de l’élevage et de l’activité agricole, activité qu’ils exerçaient dans leurs lieux d’origine.
Ce travail dans la campagne infinie de Buenos Aires, d’ailleurs, pas très loin de la capitale fédérale de l’Argentine, a attiré Pierre, qui pouvait exercer son métier de menuisier, en particulier pour la menuiserie rurale. D’ailleurs, il y avait de nombreux poteaux à fabriquer pour délimiter les terrains, des chariots à fixer et à fabriquer…
En conséquence, Pierre et Gratienne avec leurs 4 enfants décident de déménager dans la ville de Chascomús et nous voyons comment au premier recensement de 1869 ils apparaissent parmi ses habitants, classant Pierre comme menuisier.
Ce que Pierre avait entendu de ses compatriotes est vrai. Dans un certain sens, il lui semble qu’il retourne à sa terre d’origine à travers les champs, l’activité bovine, bien qu’à Chascomús tout soit platement traversé de lagunes.
Pierre et Gratienne rencontrent beaucoup d’autres Basques, c’est agréable de pouvoir parler la même langue, partager les mêmes coutumes !… mais c’est aussi un grand événement pour rencontrer des gens d’autres cultures, en fait, à Chascomús, ils ont rencontré des Italiens, irlandais, espagnols et certainement les créoles de pure souche.
Tous les immigrants contribuent par leurs efforts, leurs compétences et leurs sacrifices au bien de la nation qui les a accueillis et leur a donné des opportunités.
Il semble que Pierre, a immédiatement ouvert son atelier pour la fabrication et la réparation de voitures, se souvienne qu’à cette époque c’était la façon de se déplacer et surtout dans une ville rurale comme Chascomús.
Malheureusement, Pierre décède à l’âge de 48 ans en 1877, mais ce sont ses enfants qui prennent la tête de ce qu’il a laissé derrière lui.
Ce sera Pedro Durrels (fils), né à Buenos Aires en 1868, qui développera davantage la « petite industrie » laissée par son père. En effet, en s’associant à l’italien Pellegrini, il parvient à avoir plus qu’un forgeron d’une industrie métallurgique, comme on le voit dans le magazine La Vasconia :
« En faisant abstraction de certains que nous pourrions involontairement omettre, les établissements que nous avons énumérés par ordre alphabétique sont la propriété des messieurs : Pellegrini et Durrels : forge » (1)
Dans cette industrie, ils construisent même une machine à vapeur avec deux générateurs, très important pour promouvoir l’énergie électrique dans la ville de Chascomús, comme en témoigne le site web :
« Il y a des nouvelles de ceux de Pellegrini et Durrels, qui en 1896 ont construit la vapeur » Colón « de 24 pieds de long sur 6 pieds de large, avec une chaudière » (2)
Une note caractéristique de la culture basque est que les mariages n’étaient généralement pas endogames comme dans d’autres cultures européennes arrivées en Argentine.
Ainsi, mon arrière-grand-mère Catalina Durrels, née à Buenos Aires en 1858, la première-née de Pierre et Gratienne, a épousé Bartolomeo Fedele Salice, originaire de Sala Comacina, Province de Côme, Italie à Chascomús, et parmi ses 10 enfants mon grand-père Pedro Salice est né Durrels, père de ma chère mère Alicia Salice.
La nôtre est un grain de sable devant la grande masse de l’immigration européenne, mais je souligne toutes les valeurs éthiques-morales-religieuses, ajoutées à la culture du travail qu’ils ont laissée comme un grand héritage non seulement à leur propre famille, mais à la nouvelle terre qui les a accueillis.
Par Gustavo De Bonis-Salice
Avec l’aide de Patrick Rezola
(1) La Vasconia, nº 111, pág. 40, 1896.
(2) Site web de la Muncipalidad de Chascomús.