Duffard Jean Marie / Forgues Joséphine

Saint-Sever de Rustan 65

Il y a quelques mois avec l’histoire des Verdier et des Bérot, j’ai repris l’épopée de la Colonia de Corrientes initiée par le Docteur Brougne. A la même époque, 1854 à 1856, et toujours dans le département des Hautes Pyrénées un autre essai d’implantation de Bigourdans en Amérique Latine a eu lieu mais cette fois pour le Paraguay. C’est dans cette aventure que se sont engouffrés Jean Marie Duffard, son épouse Joséphine Forgues et leurs six enfants.

La famille Duffard à Saint Sever de Rustan

Benjamin Duffard fils de Jean Marie

Jean Marie Duffard et Joséphine Forgues se marient en 1840 à Saint Sever de Rustan dont ils sont tous deux natifs.

Jean Marie Duffard, 31 ans, cultivateur est le fils de Pierre Duffard, propriétaire et de Jacquette Douze.

L’épouse Joséphine Forgues n’a que 19 ans, elle est orpheline de père ; Jean Forgues est décédé en 1822 à 27 ans et de Marianne Laban.

Pierre Duffard a refusé son consentement au mariage de son fils qui a dû avoir recours à « un acte respectux » passé devant notaire pour convoler en justes noces ; différence de fortune ou vieilles rancœurs courantes dans les villages ?

Les jeunes époux s’installent à St Sever, Jean Marie est déjà propriétaire et la maison se remplit de bambins :

Eliza en 1841 ; Benjamin en 1842 ; Marie Joséphine en 1844 qui décède à 15 mois ; Adelaïde en 1846 ; Pauline Augustine en 1848 ; Henri en 1849 et Emmanuel en 1852.

Depuis quelques années, le père n’est plus cultivateur mais menuisier.

Saint-Sever de Rustan est une commune rurale qui ne comptait que 161 habitants en 2020 mais qui vers 1850 regroupait 500 habitants ; exode rural vers la ville de Tarbes à proximité. De son passé la commune garde une belle abbaye bénédictine édifiée vers 800.

Le départ

Le 24 novembre 1854, Jean Marie Duffard, 44 ans, menuisier, est à Bordeaux avec son épouse et ses six enfants âgés de 13 à 2 ans. Il a obtenu les visas pour émigrer au Paraguay. Il va embarquer sur le trois-mâts Astronome en direction de Montevideo.

Fin 1855 ou début 1856, après l’échec de la Colonia Nueva Burdeos, la famille s’inscrit au Consulat français, le dernier enfant Emmanuel n’est plus vivant. Est-il décédé pendant la traversée ou à son arrivée à Villa Hayes ?

La colonia Nueva Burdeos

L’initiative de cette émigration revient à un armateur bordelais Antonio Lopez qui rencontre Francisco Solano Lopez (homonyme) fils du Président du Paraguay Carlos Antonio Lopez ; celui-ci avait confié à son fils la recherche de volontaires européens pour mettre en culture des terres du Chaco. Un traité est signé à Paris en 1853 qui prévoyait le départ de 800 à 900 émigrants, voyage offert par l’Uruguay et exemption du service militaire. Environ 400 Pyrénéens partirent donc seulement 86 agriculteurs.

Trois bateaux quittent Bordeaux :

  • L’Astronome, le 14 janvier 1855, avec 134 émigrants
  • L’Armand-Rose-André, le 28 février 1855, avec 217 émigrants
  • L’Aquitaine, le 7 juin 1855, avec 68 émigrants

La famille Duffard embarque dans le premier bateau, ils sont à Bordeaux, munis des visas le 24 novembre 1854, le Trois Mats Astronome a certainement eu un problème ou une longue attente dans un port car ils ne sont arrivés à Asunción que le 1er avril 1855. De Montevideo ils ont pris le vapeur Uruguay pour remonter le río Paraguay. Cinq mois de voyage et d’attente, c’est peut-être à ce moment qu’est décédé le petit Emmanuel Duffard âgé de deux ans.

La famille lors de son inscription en 1856

Juan Duffar carpintero (menuisier) de 48 años (casado) su mujer y 5 hijos :

  • De 31 años – Josefina Duffar
  • De 15 años – Eloisa Duffar
  • De 14 años – Benjamín Duffar
  • De 9 años – Adelaida Duffar
  • De 7 años – Alejandrina Duffar
  • De 5 años – Enrique Duffar

Quand ils arrivent, aucun logement n’est prêt pour les accueillir dans la partie qu’on leur réserve entre le Río Paraguay et son affluent le río Pilcomayo.

Dès le début c’est la déception, les Paraguayens espéraient des agriculteurs or sont arrivés de nombreux artisans : charpentiers, forgerons, tanneurs tisserands …qui quittent Villa Hayes, nom donné à la colonie pour exercer leurs métiers dans la capitale. Les quelques agriculteurs français sont aussi déçus : le Chaco est une zone marécageuse d’où émergent de vastes palmeraies et entre ces palmeraies quelques zones cultivables. Sans être particulièrement fertile, le sol est propre à l’agriculture et à l’élevage mais quel est le Pyrénéen sachant cultiver le coton et la canne à sucre surtout avec les seuls outils qu’on leur offre : des charrues et bois, des pelles et des fourches ?

En France, Jean Marie Duffard n’était pas dans la misère, il était propriétaire de ses terres et de sa maison, il aurait pu nourrir sa famille à Saint-Sever mais son désir était d’améliorer sa situation sociale. Les agents et sous-agents d’émigration devaient raconter tellement de boniments !

Et pour finir ce territoire avait été pris aux Indiens Guayacurus qui faisaient quelques expéditions punitives pour retrouver leur territoire ; en outre le climat et les maladies tropicales étaient difficiles à supporter.

« L’échec de cette opération provoqua une grave crise dans les relations franco-paraguayennes, au point que Napoléon III envisagea une opération militaire contre cet État d’Amérique du sud.
L’épisode se terminera par l’évacuation de ces colons dans des conditions chaotiques et la plupart d’entre eux partiront s’établir surtout en Argentine et l’Uruguay. Quelques colons vont s’enfuir dans le Chaco où ils mourront Il y a aura le versement d’une lourde indemnité du Paraguay à la France. Le gouvernement de Carlos Antonio López dissout la colonie le 29 décembre 1955 »

Que devient la famille Duffard ?

Un enfant est décédé mais en 1857 naît la petite Philomène, la famille s’est installée à Formosa, ville argentine la plus proche du Paraguay.

C’est aussi à Formosa que l’on retrouve la famille de Benjamin Duffard, il a épousé une paraguayenne Teresa Pereyra et lors du recensement de Formosa en 1895 il a plusieurs enfants : Damasia 21 ans ; Maria 17ans ; Paulo 15 ans ; Henrique 12 ans ; Ramon 10 ans ; Manuela 8 ans et Alejandro 2 ans.

Mon correspondant Sergio Zavalla est un descendant de Enrique Duffard le dernier fils né en 1849. Enrique Duffard s’est enregistré au consulat de Buenos Aires le 1er septembre 1866, il donne sa filiation, son origine et confirme bien qu’il est parti en 1855 sur l’Astronome. C’est un jeune brun de 1.70m, grand pour l’époque ; brun aux yeux bleus, il est illettré, il n’a pas de papier d’identité mais il est inscrit sur le rôle du bateau l’Astronome. Son beau-frère Jean Danglade confirme les renseignements.

Plus tard, la famille de Enrique s’est installée dans la ville de Paraná en Argentine, sur la rive du Río Paraná en face de Santa Fe.

En 1881, dans la ciudad de Victoria departamento d’Entre-Rios Enrique Duffard a épousé Rosa Gimenez, argentine.

Ils eurent de nombreux enfants dont : Manuel en 1891 ; Genevena en 1898, Simona, Rosa Alicia en 1899, Pedro en 1903 ; Enrique en 1890, Alejandro en 1893 ; Emilia en 1894 ; Josefina en 1896 ; Pedro en 1903 etc.

« Enrique es mi bisabuelo francés profesion Tapicero, que se casó con una criolla llamada Rosa del Corazon de Jesus Gimenez 1857 ; se casaron en Victoria departamento de la Provincia de Entre Ríos donde nació mi abuelo Enrique Anastacio Duffard. »

A la fin du XIXème, l’Argentine était riche et rêvait de ressembler à l’Europe, surtout à la France, réputée pour son goût dans l’habillement et le mobilier. On traversait l’Océan pour visiter Versailles. Enrique était tapissier, ce métier consistait surtout à recouvrir des fauteuils, ces artisans étaient très recherchés.

En 1866, Jean Anglade accompagne Enrique Duffard au Consulat de Buenos Aires ; Jean Anglade a épousé Eliza Duffard la fille aînée. En 1869, Eliza est veuve elle n’a que 37 ans et vit seule à Buenos Aires avec sa fille Josefina âgée de 7 ans. (Recensement).

Pauline Augustine, appelée Alejandrina en Argentine a épousé Jose Fort fils de Joseph Fort et de Catalina Dognen, nom béarnais ou bigourdan. Installés à Paraná Entre-Ríos, le couple aura une nombreuse descendance.

Toujours à Paraná Entre-Ríos, Adelaída épouse José Bermudez, espagnol ; ce coupla aussi aura plusieurs enfants.

Et enfin en France en 1892, Philomène née en 1857 en Argentine se marie avec Léopold Pène marchand drapier à Tarbes, je ne sais pas si elle a eu des enfants mais elle décède en 1941 dans son village natal à Saint-Sever chez une cousine.

Les grandes lignes de l’histoire de la famille Duffard de St Sever de Rustan sont reconstituées.

Le musée historique de Formosa

En 1879, Benjamin Duffard a fait partie des 17 fondateurs de la ville de Formosa avec le général Jorge Luis Fontana.

« Por Decreto Nº 616 en el año 1988 del Gobierno Provincial, se le impuso el nombre « Juan Pablo Duffard » como justo homenaje a este pionero, quien inquebrantable y desinteresadamente tuvo lprimera inquietud de espíritu conservacionista de objetos y Documentos, varios pertenecientes a los antiguos pobladores de la Villa Formos Hijo de Benjamín Duffard de origen francés que vino acompañando a Fontana para fundar Formosa. Hombre culto y preocupado por conservar el acervo cultural de sus ancestros, reunió pacientemente en su casa ubicada en la calle Moreno al 800 una gran cantidad de piezas históricas que paulatinamente fue ordenándolas con la idea de crear un museo y resguardar así la historia local. »

Le conservateur du Musée m’a gentiment envoyé les documents

Jean Marie Duffard croyait faire fortune en Amérique, un de ses descendants, comme beaucoup d’Argentins, Mexicains, Brésiliens voient toujours l’Europe comme l’Eldorado et rêve d’obtenir la nationalité française. Je pense qu’il est aussi difficile d’obtenir la nationalité d’un pays européen avec comme seul critère « être arrière-petits-fils de Français » que de devenir riche en cultivant les terres du Chaco, c’est à dire impossible. Mais l’adage dit « L’espoir fait vivre » ou au moins aide à vivre.

Avec la collaboration de Sergio Zavalla

Toute ma gratitude à la municipalité de Formosa, Argentine.

Juan Pablo Duffard, nieto de Jean Marie Duffard

4 réflexions sur « Duffard Jean Marie / Forgues Joséphine »

  1. Diana Duffard

    Extraordinario poder leer la historia de donde viene mi Apellido Duffard, imaginar todas las cosas q pasaron y como en su deseo de lo mejor para su familia se aventuró en esta travesía. Gracias Primo por compartirlo gracias por esta hermosa historia de Jean Marie Duffard.

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  2. Christiane Auteur de l’article

    Après publication, j’ai trouvé d’autres informations.
    En 1854, la famille part avec 6 enfants mais en 1855 elle n’en immatricule que 5, il manquait le dernier Emmanuel né en 1852, d’où ma déduction. Or je retrouve Emmanuel Duffard faisant son service militaire en 1872. En 1876, à Trie sur Baïse, il épouse Dominiquette Dalas et une fillette naît la même année : Duffard Mathilde .
    Emmanuel Duffard est commerçant et sellier à Trie. En 1884, il part seul pour la Nouvelle Orléans pensant certainement s’y installer et faire venir sa famille mais il décède dès son arrivée à 32 ans ; son épouse reste à Trie Jusqu’à son décès en 1933 et sa fille, célibataire y vit jusqu’en 1963.
    Quant à Philomède Duffard épouse Péne, aucun de ses trois enfants ne reste à St sever : sa fille décède dès la naissance et ses deux fils : Péné Henry Romain et Péne Jean Louis partent à Oran ou vit une tante. Henry-
    Romain décède en 1917 dans le naufrage du Medjerda torpillé par un sous-marin allemand en Méditerranée. Rien sur Jean-Louis en France . Voilà pourquoi Forgues Joséphine décède seule chez une cousine .

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