La famille Courcelet
Bayonne. 1826. La rue Maubec est grouillante de camelots, les boutiques et les commerces s’étalent le long des trottoirs ; la chaussée aussi est encombrée par les charrettes, les voitures et même la diligence car toute la circulation allant de Paris à Madrid doit passer dans cette artère avant de traverser le pont qui mène au cœur de Bayonne.
Une clameur, un attroupement devant la porte du l’immeuble n°13 : un nouveau-né a été déposé au pied de l’escalier ; bien que ce soit courant dans cette période de misère sous Charles X, les chalands sont toujours émus ou curieux de ces faits. La police arrive, examine l’enfant c’est un petit garçon enveloppé dans un chiffon de laine bleu, la tête recouverte d’un mouchoir blanc. Le malheureux est aussitôt porté à l’hôpital où il vient grossir le nombre des petits abandonnés. Il sera nommé Bertrand Courcelet né à Bayonne le 10 février 1826.
Bertrand grandit dans une ferme à la campagne où des nourrices élèvent ces enfants contre une faible rétribution.
Puis il rencontre Anne Dufau née en 1823 à Saint Palais, de Pierre Dufau, laboureur de 27 ans et d’Anne Curutchet de 31 ans. Le couple s’installe à Labastide Villefranche au bord du Gave où ils fondent une famille dans la maison Treslay qui se remplit :
- Marie en 1852,
- Pierre en 1854,
- Jean en 1858,
- et enfin Jean-Sylvain en 1865.
Marie épouse Jean Hourcade de Bergouey
Pierre reste célibataire à Labastide où il décède en 1909 à 54 ans
Jean on ne sait pas
Sylvain est employé comme tanneur à Bourdettes, un village au pied des Pyrénées mais en 1884, il est séduit par l’idée de l’émigration et le 5 septembre 1884, à 19 ans il embarque du port de Bordeaux sur le navire Équateur en direction de Buenos Aires.
Son père Bertrand Courcelet décède en 1898 à l’âge de 72 ans, quant à Anne Dufau, elle s’éteindra en 1907, à l’âge de 83 ans toujours à Labastide Villefranche.
La famille Sagaspe
Lors de son immatriculation au Consulat de Montevideo vers 1890, Joseph Sagaspe, donne une date de naissance exacte : le 10 mars 1844 mais le lieu est inexact, ce n’est pas Arette mais Lanne-en-Barétous.
Ce sont deux villages voisins au pied des Pyrénées, deux villages de montagne où l’on vit surtout de l’élevage. En hiver, les troupeaux restent dans la vallée mais dès que la neige a fondu, dès le mois d’avril, le berger et son troupeau montent à l’estive, les pâturages sur les pentes. Joseph a certainement été un petit berger ou les a accompagnés.
Au milieu du XIXe, pas d’école pour les petits paysans, Joseph est arrivé en Uruguay complètement illettré mais il a fait son service militaire où il a été récompensé par un certificat de bonne conduite qu’il présente au Consulat, n’ayant pas de passeport.
Joseph Sagaspe est le second enfant de Pierre Sagaspe, 35 ans, laboureur et de Anne Escary son épouse. Je ne trouve pas leur mariage mais ils vivent à Lanne où naissent leurs enfants :
- Geneviève en 1842,
- Joseph en 1844,
- Jacques en 1846,
- Marie en 1849
- et Jean en 1853.
En 1872, dans le village d’Arette, Joseph Sagaspe, 28 ans, domestique, épouse Jeanne-Marie Haristouy, 26 ans, tisserande, née à Arette de Jean Haristouy maçon et de Marie Camps.
En 1873 à Arette, naît leur fils Jean Sagaspe, très vite, Joseph et son épouse décident d’émigrer vers l’Uruguay bien que leur enfant soit un nourrisson de quelques mois.
A cette époque les Pyrénéens embarquaient au port espagnol de Pasajes qu’ils rejoignaient en traversant la montagne, souvent à pied. Là on ne demandait aucun papier spécial, les papiers étaient le cauchemar car ces jeunes ne savaient pas lire. On comprend pourquoi Joseph a donné Arette au lieu de Lanne comme lieu de naissance.
Après deux mois de traversée, ils s’installent à Paso Molino, un quartier de Montevideo. C’est à Paso Molino que s’est aussi installé, Jean Bidot-Naude, l’ancêtre de mon époux parti également du Béarn en 1858.
Joseph Sagaspe et Jeanne Marie Haristouy, devenu Arista ou Aristoy à Montevideo ont eu plusieurs enfants à Paso Molino Montevideo : Maria en1883, Louis en 1884, une autre Maria en 1885 etc… Jean né en France, donc Français, se fait immatriculer au Consulat de Montevideo en 1897, « trabajador ». Mais c’est Catalina Sagaspe, une fille de Joseph qui est mon lien avec cette histoire puisqu’elle épouse Lapenne Pedro Luciano.
Joseph Sagaspe décède en 1916 à 74 ans, son épouse Jeanne-Marie devenue Maria Aristoy lui survit.
À Lanne que deviennent les membres de la famille Sagaspe ?
Jacques et Jean se marient à Chéraute : Jacques avec Anne Espilondo, Jean avec Marie Agoutborde, Geneviève et Marie je ne sais pas.
Anne Escary, la mère de Joseph, décède en 1855 à 43 ans ; son époux Pierre Sagaspe, le père vivra jusqu’en 1873.
Après le décès de son épouse et le départ de ses enfants, il a quitté la ferme et travaille comme journalier en 1872, date du mariage de Joseph ; il s’éteindra à 65 ans sans avoir quitté Lanne en Barétous.
La région de Lanne et d’Arette sont réputées pour leur excellent fromage de brebis. Les bergers préparent ces fromages en été dans les « cayolars » cabanes de montagne au moment où le lait des brebis est le plus parfumé grâce à l’herbe fleurie que les bêtes paissent. Ces fromages sèchent en montagne et sont un régal par leur goût.
Arette possède la station de ski la plus occidentale des Pyrénées : la Pierre Saint-Martin.
Autre particularité le tremblement de terre de 1867 qui ébranla de nombreux édifices mais avec une seule victime « La plupart des habitants ayant pu sortir après la première secousse, il n’y eut qu’un mort, une femme âgée de 80 ans qui était restée dans sa maison. Le village a dû être reconstruit, en particulier l’église dont le clocher s’était à moitié effondré ». Wikipedia
La famille Lapenne
Qui est Jean-Pierre-Lucien Lapenne qui épousa Catalina Sagaspe la fille de Joseph Sagaspe et Maria Haristouy ?
Bien que né à Montevideo Pierre-Lucien Lapenne reste citoyen français et en 1903 il est appelé à faire son service militaire ; son domicile légal étant Ogeu bien que ses parents Jean-Pascal Lapenne et Marie Sagardoy soient domiciliés à Montevideo en Uruguay.
Jean Lapenne et Marie Sagardoy se sont certainement mariés à Montevideo. On doit remonter aux grands-parents de Pierre-Lucien Lapenne pour avoir des bases en France.
Les parents de Jean-Pascal Lapenne, Julien Lapenne et Marie Miramon se sont mariés en 1843 à Herrère ; Julien né à Ogeu n’a que 20 ans, Marie native de Herrère en a 26. Le couple s’installe à Ogeu dans la maison Lapenne qu’ils ne quitteront jamais mais qu’ils rempliront d’enfants :
- Jean-Pascal en 1844,
- Berna-d-Marcel en 1845,
- Marie Anne en 1848,
- Pierre-Lucien en 1850,
- Anne-Marie en 1851,
- Ursule en 1854,
- Catherine en 1856
- et Jean-Baptiste en 1858.
Julien Lapenne décède en 1900 à 77 ans ; Marie Miramon en 1896 à 69 ans.
De ces huit enfants, une seule Ursule décède à la naissance, deux Anne-Marie et Catherine décèdent vers 40 ans dans la maison Lapenne d’Ogeu, de Eléonore on ne sait rien, trois fils émigrent à Montevideo, un seul Bernard-Marcel revient à Ogeu, employé de l’octroi, et décède en 1901 dans la maison paternelle. En 1884, Bernard-Marcel a demandé un passeport à Bordeaux pour aller à Montevideo. Une visite fraternelle ou une envie de partir ?
En vérifiant les registres militaires, je vois que Bernard-Marcel a eu un fils à Montevideo en 1877. Ce fils Marcel-Lucien-Edouard a fait des études en France, d’excellentes études puisqu’il est entré à l’École Polytechnique, fleuron des écoles françaises. Il s’est engagé volontairement en 1914 et a eu le triste sort de mourir, de maladie (?) sur le front dans la Meuse le 8 novembre 1918, trois jours avant la signature de l’armistice scellant la fin de la guerre franco-allemande.
Ogeu est devenu maintenant Ogeu-les-bains car il y eut un établissement thermal dont il reste une source qui fournit une eau minérale.
A Montevideo, Pierre-Lucien épouse Isabelle Berges Dachary, Jean-Pascal se marie avec Marie Sagardoy de Alçay , Jean-Baptiste on ne sait pas.
Jean-Pascal décède en 1925 à 81 ans à Montevideo.
Nous arrivons enfin à Jean-Pierre-Luciano Lapenne, né en 1875, fils aîné de Jean-Pascal Lapenne et de Marie Sagardoy. (à ne pas confondre avec son oncle né en 1850). Il est l’aîné d’une longue fratrie de 8 enfants :
- Pierre en 1877,
- Maria en 1881,
- Juan en 1883,
- Miguel Eduardo en 1884,
- Juana Irene en 1886,
- Maria Valeria en 1888 et
- Maria en 1891.
En France aussi, à la même époque on trouve des familles de 8 à 10 enfants mais il y a une grosse mortalité infantile ; les émigrés ont de meilleures conditions de vie mais la différence sera encore pire au début du XXème siècle.
Et quand deux Béarnais se rencontrent, même à Montevideo, ils se marient et Pierre-Luciano-Lapenne épouse Catalina Sagaspe. Là encore une longue lignée d’enfants dont Maria Teresa Lapenne Sagaspe est l’arrière-grand-mère de Gonzalo Silva, mon correspondant uruguayen.
Maria-Teresa Lapenne Sagaspe épouse Silvio Corcelet et leur fils appelé aussi Silvio Corcelet Lapenne est le grand-père maternel de Gonzalo Silva.
Les trois généalogies sont rattachées !
Avec l’aimable collaboration de Gonzalo Silva, Uruguayen